Dimitrov
Le front unique pour la paix - avril 1936
I
Jamais
encore depuis 1914, la menace d'une guerre mondiale n'a été
aussi grande qu'aujourd'hui.
Et jamais encore la nécessité
n'a été aussi urgente de mobiliser toutes les forces
pour détourner cette catastrophe, qui menace toute l'humanité.
Mais, pour cela, il est nécessaire avant tout de comprendre
clairement d'où vient le danger, quels en sont les agents,
quels sont les pays qu'ils s'apprêtent à assaillir.
Il
serait faux de croire que la guerre qui vient, menace seulement
l'Union soviétique, ou du moins la menace en premier lieu.
N'est-ce pas un fait que l'occupation de la zone rhénane, par
l'armée de Hitler crée une menace directe pour la
France, la Belgique et d'autres pays européens ?
C'est
également un fait que les plans de conquête de Hitler
pour le plus proche avenir visent à la conquête de
territoires appartenant à des Etats voisins, où se
trouve une population allemande.
Si
Hitler parle aujourd'hui de la « souveraineté de
l'Allemagne », il parlera demain de la « souveraineté
de tous les Allemands ».
Sous ce mot d'ordre, il tentera de
réaliser l'annexion de l'Autriche, la destruction de la
Tchécoslovaquie comme Etat indépendant, l'occupation de
l'Alsace-Lorraine, de Dantzig, de la partie méridionale du
Danemark, de Memel, etc.
Et c'est parfaitement compréhensible
: il est beaucoup plus facile au fascisme allemand d'envoyer tout
d'abord une armée conquérir des territoires appartenant
à des Etats voisins, sous le mot d'ordre de l' « union
nationale de tous les Allemands », et de commencer seulement
ensuite la guerre contre le puissant pays des Soviets.
Le
fascisme allemand, qui se fortifie maintenant sur le Rhin, constitue
également, bien que les gouvernants actuels de la Pologne
aient avec lui des rapports d'alliance, une menace pour
l'indépendance du peuple polonais.
En
ce qui concerne l'Extrême-Orient, il n'y a pas de doute que le
coup immédiat est dirigé contre le peuple
chinois, bien que la camarilla militaire fasciste du Japon
prépare la guerre contre l'Union soviétique et se soit
entendue avec Berlin pour cette éventualité.
Le Japon a
déjà occupé la Mandchourie et s'empare
maintenant, l'une après l'autre, des provinces de la Chine.
L'impérialisme japonais cherche, par ailleurs, à
soumettre tous les peuples de l'Asie, y compris l'Inde, à
s'emparer des Philippines et de l'Australie.
Il se prépare au
règlement de comptes décisif avec les Etats-Unis et la
Grande-Bretagne.
Il
est donc évident que les peuples de l'Occident commettraient
une erreur fatale s'ils se laissaient bercer de l'illusion qu'ils ne
sont pas menacés par les fauteurs fascistes de guerre en
Europe et en Extrême-Orient.
En particulier, les peuples des
pays voisins de l'Allemagne sont fondés à réfléchir
sérieusement sur la défense de leur indépendance
et de leur liberté.
La
principale cause des guerres impérialistes, comme on le sait,
réside dans le capitalisme lui-même, dans ses visées
conquérantes.
Mais, dans la conjoncture internationale
concrète d'aujourd'hui, l'instigateur de la guerre qui vient,
est le fascisme, le poing ganté de fer des forces les
plus agressives et les plus belliqueuses de l'impérialisme.
Si
le danger de guerre est devenu si directement menaçant c'est
qu'on n'a pas barré à temps le chemin du pouvoir au
fascisme allemand.
Après avoir instauré sa domination
par la guerre intérieure contre les masses populaires de son
propre pays, le fascisme s'est développé en une menace
directe de guerre pour tous les peuples du monde. Après avoir
asservi son peuple, il passe, la torche de la guerre à la
main, à l'offensive contre les autres peuples.
Le
danger de guerre s'est encore extrêmement aggravé du
fait qu'il s'est créé un état d'impunité
pour l'agresseur fasciste. La préparation du fascisme allemand
à la guerre (introduction du service militaire obligatoire,
armements aériens et navals), s'est effectuée avec la
complaisance systématique des puissances capitalistes et le
concours direct des milieux dirigeants anglais.
La passivité
et les hésitations de la Société des nations à
l'égard de l'offensive du Japon contre la Chine et de
l'agression italienne en Abyssinie ont encouragé l'insolence
de l'agresseur.
Mais
l'agressivité grandissante du fascisme allemand et de la
camarilla militaire japonaise sont, avant tout et surtout, la
conséquence du fait que le prolétariat international
n'a pas réussi à réagir unanimement, en
déployant toutes ses forces gigantesques, à rassembler
autour de lui tous les travailleurs et tous les amis de la paix en un
front puissant contre la guerre.
La résistance de la
partie réactionnaire des chefs de l'Internationale ouvrière
socialiste et de la Fédération syndicale internationale
au front unique de lutte n'est pas encore brisée.
Et le rejet
des actions indépendantes et unies du prolétariat
contre la guerre de la part de ces leaders réactionnaires qui
soutiennent la politique impérialiste de leur bourgeoisie,
l'engourdissement des masses par l'illusion que la Société
des nations fera tout le nécessaire pour le maintien de la
paix, ont été un frein pour la lutte du prolétariat
contre la guerre et ont paralysé sa pression sur les
gouvernements capitalistes.
A
côté des leaders ouvertement réactionnaires qui
sabotent l'unité d'action du prolétariat international
pour la défense de la paix, on voit aussi se dresser les
phraseurs de « gauche » qui prêchent des idées
fatalistes sur l'impossibilité d'éviter la
guerre et l'impossibilité de conserver la paix.
Du
moment que la cause essentielle de la guerre est le capitalisme,
disent-ils, on ne peut pas, tant qu'il existe, éviter la
guerre, et il est stérile et absurde de lutter pour le
maintien de la paix.
De telles gens sont des doctrinaires encroûtés,
sinon de purs et simples charlatans. Ils voient partout les forces
déchaînées de la guerre, mais ne remarquent
nullement les puissants facteurs de paix.
L'Union
soviétique - l'Etat du prolétariat victorieux -
est, avec sa politique de paix résolue et conséquente,
un de ces facteurs de paix.
Un autre facteur de paix, c'est le
prolétariat des pays capitalistes.
Voilà les forces
dirigeantes de la défense de la paix contre les fauteurs de
guerre.
Les masses de la paysannerie, tous les travailleurs, les plus
vastes masses populaires dans tous les pays capitalistes, sont
également pour le maintien de la paix.
Un certain nombre
d'Etats capitalistes sont, en ce moment, intéressés au
maintien de la paix. Et dans les pays où règne le
fascisme, comme dans ceux dont les gouvernants favorisent les
instigateurs d'une nouvelle boucherie, les peuples ne veulent pas la
guerre.
Les
doctrinaires phraseurs, par exemple ceux de l'Independent Labour
Party d'Angleterre, présentent la situation comme si la
question de la guerre et de la paix dépendait exclusivement
des gouvernements capitalistes.
Oui, il en serait ainsi si les masses
populaires jouaient le rôle de simples pions entre les mains
des gouvernements et ne luttaient pas pour le maintien de la
paix en dépit de leurs gouvernements.
Mais c'est précisément
cette façon de considérer les masses populaires comme
de simples marionnettes entre les mains du gouvernement qui est
absolument fausse.
Si ces masses, sans lesquelles il est impossible
de faire la guerre, interviennent résolument et à
temps contre les desseins militaires des gouvernements, elles
pourront les contraindre à renoncer à la guerre et à
l'indulgence envers ceux qui complotent la guerre.
Toute la
question est d'organiser à temps la lutte des peuples pour le
maintien de la paix et de mener cette lutte tous les jours et en tout
lieu contre les fauteurs fascistes de guerre et contre leurs
auxiliaires.
Ce
qu'il faut, c'est un front unique de la paix qui groupe non seulement
la classe ouvrière, la paysannerie, les intellectuels
travailleurs et les autres travailleurs, mais aussi les nations
opprimées et les peuples des pays dont l'indépendance
est menacée par les fauteurs de guerre.
Ce qu'il faut, c'est
un front de la paix qui s'étende à toutes les parties
du monde, de Tokyo à Londres, de New York à Berlin, un
front de la paix qui agisse avec cohésion contre les fauteurs
de guerre, contre le fascisme allemand en Europe, contre la clique
militaire japonaise en Extrême-Orient.
Et ce front de la paix
deviendra puissant et invincible s'il déploie des actions
pratiques de masse et ne se borne pas à des protestations,
résolutions et déclarations.
Il
faut, à l'aide de mesures économiques et politiques,
placer les fauteurs de guerre dans les conditions d'un véritable
état de siège.
Il faut les acculer pour leur
enlever les moyens de réaliser leurs desseins criminels.
Il
faut ceindre le globe d'un réseau d'organisations des amis de
la paix tellement dense, d'un mouvement de solidarité
internationale tellement puissant, de mesures relevant d'une
politique internationale unique du prolétariat dans l'intérêt
du maintien de la paix tellement efficaces, que les mains criminelles
des fauteurs de guerre s'en trouvent enchaînées.
Il
faut faire sentir énergiquement à l'agresseur fasciste
que des millions d'hommes suivent chacun de ses pas avec vigilance et
que toute tentative de sa part d'attaquer d'autres peuples se
heurtera à la résistance résolue du prolétariat
et des travailleurs du monde entier.
Seul
le prolétariat, en réalisant l'unité dans ses
rangs peut être l'organisateur d'un tel front de paix, en être
la force motrice, l'ossature.
Là réside maintenant la
tâche centrale du prolétariat international tout
entier.
Du succès de sa réalisation dépend aussi
le succès de la lutte contre le fascisme lui-même.
II
Il
ne suffit pas de vouloir la paix.
Il faut lutter pour
la paix. Il est tout à fait insuffisant de mener une
propagande générale contre la guerre.
La propagande
contre la guerre « en général » n'empêche
nullement les conspirateurs siégeant à Berlin ou à
Tokyo de tramer leur dessein infâme ; ils seraient très
contents que la classe ouvrière n'allât pas au-delà
d'une propagande générale de ce genre.
Afin
que la lutte pour le maintien de la paix soit couronnée de
succès, il faut absolument que les actions communes du
prolétariat et des masses populaires les plus considérables
soient dirigées contre les fauteurs de guerre et contre
les forces qui, à l'intérieur du pays, les favorisent
directement et indirectement. De ce point de vue il est extrêmement
important d'élaborer la lutte pour le maintien de la paix, en
tenant compte de la situation du Parti et du mouvement ouvrier du
pays en question, ainsi que de sa situation intérieure et
internationale.
Dans
les pays où le fascisme est au pouvoir, la classe ouvrière,
plaçant au centre de la lutte contre la dictature fasciste la
dénonciation de la démagogie chauvine et des
préparatifs de guerre, rassemble toutes les forces pour
conjurer la catastrophe dans laquelle le fascisme veut précipiter
le peuple.
En luttant contre le pouvoir du fascisme et contre son
agression militaire, le prolétariat et les grandes masses
populaires d'Allemagne, d'Italie et des autres pays fascistes ne
travaillent pas seulement à leur propre salut, mais aussi dans
l'intérêt de la paix, dans l'intérêt de
tous les peuples de l'humanité tout entière.
A
l'heure actuelle, l'attitude à prendre à l'égard
de la politique extérieure du gouvernement et de la défense
nationale est un point particulièrement important de la
tactique de la classe ouvrière, surtout dans les pays qui sont
directement sous la menace de l'agression.
Il n'est pas du tout
indifférent pour la classe ouvrière et pour tous les
travailleurs de savoir quelle est la politique extérieure du
gouvernement à l'égard des ennemis fascistes de la paix
: cette politique contribue-t-elle à la consolidation de la
sécurité collective ou lui fait-elle obstacle ?
Le
gouvernement favorise-t-il les agents de l'agresseur fasciste ou
prend-il contre eux des mesures efficaces ?
Comment traite-t-on les
enfants du peuple qui se trouvent dans les rangs de l'armée ?
Dans quel esprit les éduque-t-on ?
De quels éléments
se composent les cadres de commandement de l'armée ?
Ces
éléments sont-ils sûrs, en ce qui concerne la
lutte contre l'ennemi fasciste, ou sont-ils des éléments
réactionnaires fascistes ?
Comment la population est-elle
protégée contre les horreurs de la guerre ? etc.
Se
montrer indifférent aux questions de défense nationale,
les laisser sans contrôle à la discrétion du
gouvernement bourgeois, c'est là une position qui ne sert
nullement l'œuvre de défense de la paix.
Ce n'est pas par
hasard que les sommets dirigeants de la bourgeoisie ont toujours
considéré ce domaine comme leur monopole, comme une
sorte de « sanctuaire ». Il faut, une fois pour
toutes, mettre fin à ce monopole de la bourgeoisie.
Le
prolétariat ne saurait se passer, dans ces questions, d'une
politique à lui, d'une politique indépendante.
Sans
glisser en aucun cas aux positions de la bourgeoisie, le parti du
prolétariat doit intervenir activement avec sa plateforme,
avec ses revendications, dans la politique extérieure et dans
les questions de défense nationale.
Partisan
dévoué de la défense active de son peuple et de
son pays contre l'asservissement fasciste, le prolétariat doit
relier de la façon la plus étroite les questions de
défense nationale aux revendications visant à étendre
les droits démocratiques des ouvriers et des paysans, à
défendre leurs intérêts vitaux, en partant du
fait que seules la démocratisation du régime dans les
pays, la démocratisation de l'armée, son épuration
des éléments fascistes et des autres éléments
réactionnaires et la satisfaction des revendications les plus
urgentes des masses ouvrières et paysannes sont en mesure de
renforcer la capacité de défense du peuple contre
l'agression fasciste.
Dans
chaque situation concrète, les représentants de la
classe ouvrière se prononcent pour des propositions de ce
genre et cherchent à faire prendre des mesures qui permettent
aux grandes masses du peuple d'exercer le maximum de pression sur la
politique extérieure du gouvernement, ainsi qu'un contrôle
effectif de ses actes dans les questions de défense nationale.
Ils se prononcent également pour toutes les mesures qui
rendent plus difficile la capitulation des gouvernements bourgeois
devant l'agresseur fasciste et la trahison par ces gouvernements de
l'indépendance et de la liberté du peuple.
Tout
en soulignant que seul le pouvoir du prolétariat est en mesure
d'assurer une défense effective du pays et de son
indépendance, comme le montre avec évidence l'exemple
de l'Union soviétique, les communistes, dans les conditions
d'une menace directe de guerre de la part d'un agresseur fasciste,
travaillent à créer un gouvernement de Front
populaire.
En prenant des mesures énergiques contre le
fascisme et les éléments réactionnaires dans le
pays, contre les agents et les auxiliaires des ennemis de la paix, en
assurant le contrôle de la défense nationale par les
masses organisées, un tel gouvernement contribuera au
renforcement de la capacité de défense du peuple contre
l'agresseur fasciste.
Dans
la mesure même où le pouvoir se trouve aujourd'hui entre
les mains de gouvernements bourgeois qui n'offrent pas de garantie
pour la défense véritable du pays et qui mettent en
action les forces armées de l'Etat contre les travailleurs, le
parti de la classe ouvrière ne peut assumer aucune
responsabilité politique pour les mesures de défense de
ces gouvernements : c'est la raison pour laquelle il se prononce
contre la politique militaire du gouvernement et contre le budget de
la guerre dans son ensemble.
Cela n'exclut pas, dans des cas
concrets, une abstention motivée lors du vote de différentes
mesures de défense nationale qui sont nécessaires pour
rendre plus difficile l'attaque de l'agresseur fasciste (par exemple,
la fortification des frontières) de même que le vote et
l'intervention pour des mesures dictées par les
intérêts de la défense de la population contre
les horreurs de la guerre (abris contre les gaz, masques à
gaz, secours sanitaires, etc.).
Les
temps sont révolus où la classe ouvrière ne
participait pas d'une manière indépendante et active
au règlement de questions vitales comme la guerre et la
paix. La différence entre les communistes et les réformistes,
entre les hommes politiques révolutionnaires et réactionnaires
du mouvement ouvrier, ne consiste nullement dans le fait que ces
derniers participent au règlement de ces questions tandis que
nous, les révolutionnaires, nous devrions rester à
l'écart. Non.
La différence réside dans le fait
que les réformistes, dans ces questions comme dans les autres,
défendent les intérêts des capitalistes, et les
révolutionnaires, ceux des travailleurs, ceux du peuple.
Cette
souple tactique bolchevik qui est l'application à une question
distincte des conceptions tactiques générales données
par le VIIe congrès de l'I.C., résulte
nécessairement de toute la situation internationale présente,
et, en particulier, de l'existence d'agresseurs fascistes déterminés.
Et
il est vraiment comique de voir les phraseurs de « gauche »
de tout acabit se dresser contre cette tactique en posant aux
révolutionnaires intransigeants !
A les en croire, tous
les gouvernements sont des agresseurs.
Ils se réfèrent
même à Lénine qui, pendant la guerre impérialiste
de 1914-1918, a rejeté à juste titre l'argument des
social-chauvins : « On nous a attaqués, nous nous
défendons. » Mais à cette époque,
le monde était divisé en deux coalitions impérialistes
belligérantes qui cherchaient dans une mesure égale à
établir leur hégémonie mondiale et qui avaient
préparé et provoqué dans une mesure égale
la guerre impérialiste.
Il n'y avait pas alors de pays où
le prolétariat fût vainqueur, ni de pays à
dictature fasciste.
Mais, maintenant, la situation est autre.
Maintenant, il y a : 1. Un Etat prolétarien qui est le plus
grand rempart de la paix ; 2. Des agresseurs fascistes déterminés
; 3. Nombre de pays qui se trouvent sous la menace immédiate
d'une attaque de la part d'agresseurs fascistes et de la perte de
leur indépendance en tant qu'Etat et nation ; 4. D'autres
Etats capitalistes qui, dans le moment donné, sont intéressés
au maintien de la paix. Il est donc tout à fait faux de
présenter maintenant tous les Etats comme des
agresseurs.
Seuls des hommes qui cherchent à couvrir les
agresseurs véritables, peuvent défigurer ainsi les
faits.
III
La
paix existante est une mauvaise paix. Mais cette mauvaise paix est,
en tout cas, meilleure que la guerre.
Et à chaque partisan
conséquent de la paix apparaît de soi-même la
nécessité de soutenir toutes les mesures qui peuvent
contribuer à son maintien, y compris les mesures de la Société
des nations et notamment les sanctions.
Les sanctions peuvent fournir
un moyen d'action efficace contre l'agresseur.
Si
les sanctions adoptées par la Société des
nations n'ont pas empêché l'Italie de poursuivre la
guerre contre l'Abyssinie, cela ne milite nullement contre les
sanctions, mais contre les puissances qui en ont saboté
l'application.
Et
si le fascisme allemand lance aujourd'hui un défi aux peuples
du monde entier, c'est précisément parce qu'il compte
sur l'impunité, parce que les sanctions n'ont pas été
appliquées à l'égard du Japon, parce que les
sanctions contre l'Italie ont été mises en échec
par les Etats capitalistes, parce qu'enfin Hitler, en dirigeant ses
troupes vers les frontières de la France et de la Belgique,
était convaincu d'avance que les sanctions décidées
contre lui seraient sabotées par la bourgeoisie anglaise.
On
dit que l'application des sanctions accroît le danger de guerre
et aboutira à la guerre. C'est faux.
Bien au contraire, c'est
l'impunité de l'agresseur qui accroît le danger de
guerre. Plus les sanctions d'ordre financier et économique
seront appliquées résolument contre l'agresseur
fasciste (refus total de crédits, cessation du commerce et des
fournitures de matières premières), et moins le
fascisme allemand sera résolu à déclencher la
guerre, car le risque, sera d'autant plus grand pour lui.
Il
faut critiquer impitoyablement la Société des nations
pour ses hésitations, sa passivité, son inconséquence.
La classe ouvrière doit mener une lutte intransigeante contre
les gouvernements de ceux des Etats impérialistes membres de
la Société des nations qui, mus par des intérêts
cupides, aident l'agresseur, sabotent les mesures de maintien de la
paix et sacrifient les intérêts des petits peuples à
ceux des grandes puissances impérialistes.
Mais il ne s'ensuit
nullement qu'il faille, d'une manière générale,
adopter une attitude négative à l'égard de la
Société des nations.
Quel
intérêt le prolétariat a-t-il à faire le
jeu des fauteurs de guerre qui, tous aujourd'hui, sont contre la
Société des nations ?
Ce sont précisément
les principaux instigateurs de la guerre, l'Allemagne et le Japon,
qui ont quitté la S.D.N.
L'Union soviétique, qui, de
tout son poids international, défend la cause de la paix et de
la sécurité collective, se trouve dans la Société
des nations.
Font également partie de la Société
des nations certains autres Etats qui ne veulent pas permettre aux
agresseurs fascistes d'attaquer d'autres peuples.
Quiconque ne sait
pas faire la distinction entre la Société des nations
de jadis et la Société des nations d'aujourd'hui,
quiconque ne sait pas différencier son attitude à
l'égard des divers membres de la Société des
nations, quiconque renonce à faire jouer la pression des
masses sur la Société des nations et les différents
gouvernements capitalistes en faveur des mesures pour le maintien de
la paix, est un bavard et pas un révolutionnaire, pas un homme
politique du prolétariat.
La
classe ouvrière doit soutenir celles des mesures de la Société
des nations et des différents Etats qui, de fait, tendent au
maintien de la paix (pactes de non-agression, d'assistance mutuelle
contre l'agresseur, pactes de sécurité collective,
sanctions financières et économiques).
Elle ne doit pas
seulement les soutenir, mais, par un puissant mouvement anti-guerrier
de masse, obliger la Société des nations aussi bien que
les gouvernements des différents pays capitalistes à
prendre des mesures sérieuses pour la défense de la
paix.
Il
est faux de prétendre que la politique de concessions
incessantes aux exigences des fauteurs de guerre fascistes, tant de
la part de la Société des nations que de la part de
différents Etats (Angleterre, France, Belgique, etc.), peut
contribuer à maintenir la paix.
Les ouvriers n'ont pas oublié
qu'en son temps, dans la politique intérieure de l'Allemagne,
ce fut précisément l'esprit de compromission et de
capitulation devant l'offensive du fascisme qui fraya à
celui-ci la voie du pouvoir.
Sur l'arène internationale, une
pareille politique de capitulation laisse au fascisme belliqueux le
champ libre pour l'attaque.
Il
est également faux de prétendre que la cause de la paix
gagnerait à ce que l'on essayât de poser aujourd'hui la
question d'une nouvelle répartition des sources de matières
premières, des colonies et des territoires sous mandat, comme
le tentent les chefs social-démocrates réactionnaires.
On n'agit ainsi, au fond, que pour détourner l'attention des
masses de la lutte concrète contre les fauteurs de guerre.
D'un autre côté, pareille proposition cache le désir
d'accorder des colonies au fascisme allemand, ce qui ne ferait que
renforcer davantage encore ses positions de guerre.
Ce n'est pas au
prolétariat à se prononcer pour telle ou telle
répartition des colonies et des mandats coloniaux entre les
impérialistes.
Sa tâche est de soutenir la lutte des
peuples coloniaux pour leurs intérêts et leurs droits,
pour la libération définitive de ces peuples du joug
impérialiste.
IV
En
exigeant de la Société des nations et des gouvernements
bourgeois des mesures efficaces contre l'agressivité des
instigateurs fascistes de la guerre, le prolétariat ne doit
pas perdre un seul instant de vue que le point principal quand
il s'agit de la sécurité de la paix, que le point
fondamental, décisif, ce sont les actions indépendantes
des grandes masses pour la défense de la paix contre les
fauteurs de guerre précis.
Il
n'y a pas le moindre doute que si le prolétariat international
avec ses organisations de masse, en particulier avec ses syndicats,
était intervenu d'une façon unanime et, par les grèves
et autres mesures, avait empêché le départ de
chaque navire, de chaque train soit d'Italie, soit à
destination de l'Italie, le fascisme italien eût été
contraint depuis longtemps de cesser sa guerre de rapines contre le
peuple abyssin.
Mais
la création d'un Front populaire de paix vraiment large et
suffisamment puissant pour mener une telle lutte contre le fascisme
belliqueux, n'est possible qu'à la condition d'avoir l'unité
d'action du prolétariat lui-même.
C'est précisément
l'établissement de l'unité d'action de la classe
ouvrière qui a permis aux prolétariats français
et espagnol de former un puissant Front populaire antifasciste.
La
conférence de Londres de l'Internationale ouvrière
socialiste et de la Fédération syndicale
internationale, déchirée par les contradictions
intérieures, a éludé, sous la pression de son
aile réactionnaire, la question de la nécessité
de réaliser immédiatement l'unité d'action du
prolétariat à l'échelle nationale et
internationale.
Elle n'a pas appelé les masses ouvrières
à des actions indépendantes, mais s'est bornée à
les inviter à s'en remettre entièrement à la
Société des nations.
Elle n'est pas intervenue pour la
défense du peuple chinois attaqué par le Japon.
Elle
n'a condamné d'aucune manière ceux des chefs
travaillistes et social-démocrates qui se font les défenseurs
de la politique agressive du fascisme allemand, sous le couvert des
phrases sur le « maintien de la paix ».
Mais,
en même temps, dans les rangs de l'Internationale ouvrière
socialiste et de la Fédération syndicale
internationale, un mouvement se développe rapidement depuis
quelque temps en faveur du front unique de la classe ouvrière.
Les intérêts vitaux du prolétariat international
tout entier exigent que ces forces prennent le dessus et qu'elles
surmontent la résistance des adversaires du front unique.
Le
passage à l'offensive militaire du fascisme qui utilise la
désunion dans les partis et les organisations de la classe
ouvrière des différents pays demande, de toute
nécessité, une politique internationale unique de la
classe ouvrière dans l'intérêt du maintien de la
paix.
En
bref, la réalisation de cette politique internationale unique
du prolétariat est possible sur les bases suivantes :
En
premier lieu, rétablissement et consolidation de la véritable
solidarité prolétarienne internationale pour la défense
des intérêts des masses travailleuses les plus
considérables ; rupture résolue des partis
social-démocrates avec les intérêts impérialistes
de leur bourgeoisie respective.
En
second lieu, appui le plus large à la politique de paix de
l'Union soviétique, de l'Etat prolétarien qui, avec une
constance inébranlable, monte la garde de la paix entre les
peuples.
Mais cela implique, avant tout, la lutte résolue des
partis ouvriers contre les tentatives contre-révolutionnaires
d'identifier la politique extérieure de l'Union soviétique
avec la politique des Etats impérialistes, d'identifier
l'Armée rouge, ce rempart de la paix, avec les armées
des Etats impérialistes, tentatives qui font le jeu des
instigateurs fascistes de la guerre.
En
troisième lieu, à chaque moment donné, diriger
et concentrer les coups sur l'agression fasciste, prendre une
attitude distincte à l'égard de l'agresseur, d'une part
et des victimes de son agression, d'autre part.
Dénoncer toute
tentative d'estomper la différence entre les Etats fascistes
et non-fascistes.
En
quatrième lieu, lutte autonome du prolétariat pour le
maintien de la paix, ne dépendant ni des gouvernements
capitalistes, ni de la Société des nations, ce qui
exclut la subordination du mouvement ouvrier aux combinaisons de
coulisses des gouvernements impérialistes affiliés à
la Société des nations.
La
lutte pour le maintien de la paix est, dans les conditions actuelles,
une lutte contre le fascisme ; elle est donc, au fond,
une lutte révolutionnaire.
Le
maintien de la paix est un danger mortel pour le fascisme, car, en
augmentant ses difficultés intérieures, il aboutit à
saper la dictature fasciste de la bourgeoisie ; le maintien de la
paix favorise l'accroissement des forces du prolétariat, des
forces de la révolution ; il permet de surmonter la division
dans les rangs du mouvement ouvrier ; il aide le prolétariat à
devenir la classe dirigeante dans la lutte de tous les travailleurs
contre le capitalisme ; il mine les fondements du régime
capitaliste; il accélère la victoire du socialisme.
La
guerre peut éclater à l'improviste. De nos jours, les
guerres ne se déclarent pas.
Elles commencent tout simplement.
(J. Staline : le Socialisme, c'est la paix ! Entretien
avec M. Roy Howard (1er mars 1936), p. 5, B.E., 1936.)
C'est
cela qui exige, en premier lieu, de la part des communistes, une vue
claire tant de l'envergure et du caractère du danger de guerre
que des voies et moyens de le combattre.
Le
pas décisif pour établir l'unité d'action du
prolétariat international contre les instigateurs de la guerre
est aujourd'hui le déploiement par le Parti communiste, dans
chaque pas, dans tous les domaines de la vie sociale et politique, de
la campagne la plus active, la plus persévérante et la
plus étendue pour le maintien de la paix.
Les communistes
mènent cette campagne sans attendre la conclusion de pactes
d'unité d'action avec la direction du parti social-démocrate,
mais ils la mènent absolument sous le signe de la lutte pour
l'établissement de l'unité d'action du Parti communiste
avec le parti social-démocrate.
Les communistes font tous
leurs efforts pour surmonter la résistance des chefs
social-démocrates réactionnaires au front unique et
pour consolider de toutes les façons les liens de lutte
commune noués entre ouvriers communistes et social-démocrates
contre l'ennemi commun.
Une
telle campagne, en favorisant le rapprochement des ouvriers
communistes et social-démocrates, contribuera à activer
et à souder toutes les forces du prolétariat non
seulement à l'échelle nationale, mais aussi à
l'échelle internationale.
C'est là le moyen le plus
puissant de contribuer à l'intégration dans le
mouvement des autres couches de travailleurs des villes et des
campagnes, des masses de la petite bourgeoisie, de la paysannerie et
des intellectuels, de tous les partisans de la paix.
Tout cela
accélérera la formation d'un front invincible de lutte
du prolétariat international, de tous les travailleurs, de
tous les peuples pour le maintien de la paix.
Lutter
pour la paix, c'est lutter contre le fascisme, c'est lutter contre le
capitalisme, c'est lutter pour la victoire du socialisme dans le
monde entier.
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