Dimitrov
Discours
de conclusion de la discussion prononcé au VIIe
congrès mondial de l'Internationale communiste le 13 août
1935
Pour
l'unité de la classe ouvrière contre le fascisme
Les
débats circonstanciés qui se sont déroulés
sur mon rapport, témoignent de l'immense intérêt
du congrès pour les principaux problèmes et tâches
tactiques de la lutte de la classe ouvrière contre l'offensive
du Capital et le fascisme, contre la menace de guerre impérialiste.
Si
nous dressons maintenant le bilan des huit jours de discussion, nous
pouvons constater que toutes les thèses essentielles du
rapport ont reçu l'approbation unanime du congrès.
Personne parmi les orateurs n'a soulevé d'objection contre les
thèses tactiques formulées par nous et contre la
résolution proposée.
On
peut affirmer hardiment qu'à aucun des congrès
précédents de l'Internationale communiste, il ne
s'était manifesté une cohésion idéologique
et politique pareille à la cohésion actuelle.
La
complète unanimité du congrès est l'indice que,
dans nos rangs, on a acquis la pleine conscience de la nécessité
de reconstruire notre politique et notre tactique en conformité
avec la situation modifiée et sur la base de l'expérience
particulièrement riche et instructive des dernières
années.
Cette
unanimité, on peut incontestablement la considérer
comme une des conditions les plus importantes pour résoudre la
tâche centrale immédiate du mouvement international du
prolétariat, à savoir l'établissement de
l'unité d'action de tous les détachements de la classe
ouvrière dans la lutte contre le fascisme.
Pour
résoudre cette tâche avec succès, il est
nécessaire, premièrement, que les communistes sachent
manier habilement l'arme de l'analyse marxiste-léniniste,
en étudiant soigneusement, dans leur développement,
la situation concrète et le rapport des forces de classe, et
qu'ils dressent en conséquence leurs plans d'action et de
lutte.
C'est de la façon la plus implacable que nous devons
extirper cet attachement, trop fréquent parmi les communistes,
aux schémas factices, aux formules sans vie, aux clichés
tout faits.
Il faut en finir avec l'état de choses où
des communistes, dépourvus des connaissances ou des aptitudes
nécessaires pour faire une analyse marxiste-léniniste,
remplacent cette analyse par des phrases générales et
des mots d'ordre généraux, comme l' « issue
révolutionnaire de la crise », sans faire aucune
tentative sérieuse pour expliquer dans quelles conditions, sur
la base de quel rapport des forces de classe, à quel degré
de maturité révolutionnaire du prolétariat et
des masses travailleuses, à quel niveau d'influence du Parti
communiste, une telle issue révolutionnaire de la crise est
possible.
Or, à défaut d'une telle analyse, tous les
mots d'ordre de ce genre ne sont qu'un hochet, une phrase vide de
contenu, qui ne fait qu'obscurcir nos tâches du jour.
Sans une
analyse marxiste-léniniste concrète, nous ne saurons
jamais poser et résoudre judicieusement ni la question du
fascisme, ni la question du front unique prolétarien et du
Front populaire, ni celle de notre attitude à l'égard
de la démocratie bourgeoise, ni celle du gouvernement de front
unique, ni celle des processus qui se déroulent au sein de la
classe ouvrière et, en particulier, parmi les ouvriers
social-démocrates, ni la foule des autres problèmes
nouveaux et compliqués que la vie elle-même et le
développement de la lutte de classe posent et poseront devant
nous.
Deuxièmement,
nous avons besoin d'hommes vivants, d'hommes qui sortent de la
masse ouvrière, de sa lutte quotidienne, d'hommes d'action de
combat, dévoués sans réserve à la cause
du prolétariat, d'hommes qui, de leur énergie et de
leurs bras, travailleront à réaliser les décisions
de notre congrès.
Sans cadres bolcheviks,
léninistes-stalinistes, nous ne résoudrons pas les
tâches énormes qui se dressent devant les travailleurs
dans la lutte contre le fascisme.
Troisièmement,
il nous faut des hommes armés de la boussole de la théorie
marxiste-léniniste, car sans le maniement habile de cette
boussole, les hommes tombent dans un étroit praticisme sans
horizon, ne trouvent de solutions qu'au jour le jour, perdent de vue
la vaste perspective de lutte qui montre aux masses où nous
allons et pourquoi, et où nous menons les travailleurs.
Quatrièmement,
il nous faut une organisation des masses pour faire passer nos
décisions dans les actes.
Notre influence idéologique
et politique seule ne suffit pas.
Nous devons en finir avec
l'orientation vers la spontanéité du mouvement qui
est une de nos principales faiblesses.
Nous devons nous souvenir que
sans un travail d'organisation, obstiné, long, patient, qui
semble parfois ingrat, les masses n'accosteront pas la rive
communiste.
Pour savoir organiser les masses, il faut que nous
apprenions l'art léniniste-staliniste de faire de nos
décisions le bien non seulement des communistes, mais aussi
des plus grandes masses de travailleurs.
Il faut apprendre à
parler aux masses, non pas la langue des formules livresques, mais la
langue des champions de la cause des masses, dont chaque parole,
chaque idée reflète les pensées et les
sentiments des millions de travailleurs.
C'est
sur ces questions que je voudrais d'abord insister dans mon discours
de clôture.
Le
congrès a accueilli les nouvelles thèses tactiques avec
un grand enthousiasme et à l'unanimité.
Certes,
l'enthousiasme et l'unanimité sont en eux-mêmes
d'excellentes choses, mais ce qui est mieux encore, c'est qu'ils
s'accompagnent d'un examen profondément réfléchi
et critique des tâches qui se présentent à nous,
d'une assimilation complète des décisions prises et
d'une compréhension réelle des moyens et des méthodes
nécessaires pour appliquer ces décisions à la
situation concrète de chaque pays.
Car,
auparavant aussi, nous adoptions unanimement des décisions qui
n'étaient pas mauvaises.
Mais le malheur était que,
souvent, nous ne les adoptions que pour la forme et que, dans la
meilleure des hypothèses, nous faisions de ces décisions
le bien d'une avant-garde peu nombreuse de la classe ouvrière.
Nos décisions ne devenaient pas la chair et le sang des
grandes masses, elles ne devenaient pas un guide pour l'action de
millions d'hommes.
Peut-on
affirmer que nous nous sommes déjà débarrassés
définitivement de cette manière formelle de traiter les
résolutions adoptées ? Non.
Il faut dire qu'à ce
congrès aussi, dans les interventions de certains délégués,
il se manifeste des vestiges de formalisme, qu'on y sent parfois la
tendance à remplacer l'analyse concrète de la réalité
et l'expérience vivante par un nouveau schéma
quelconque, une nouvelle formule simplifiée, sans vie, la
tendance à présenter comme une réalité,
comme une chose existante, ce que nous désirons,
mais qui n'existe pas encore en fait.
LA
LUTTE CONTRE LE FASCISME DOIT ÊTRE CONCRÈTE
Il
n'est point de caractéristique générale du
fascisme, si juste qu'elle soit par elle-même, qui nous
dispensera de la nécessité d'étudier
concrètement et de prendre en considération les
particularités du développement du fascisme et des
formes diverses de la dictature fasciste dans les différents
pays et aux différentes étapes.
Dans chaque pays, il
est nécessaire de scruter, d'étudier et de découvrir
ce que le fascisme a de proprement national, de spécifiquement
national, et d'établir, en conséquence, les méthodes
et formes efficaces de lutte contre le fascisme.
Lénine
nous mettait en garde avec insistance contre « la
standardisation, l'ajustement mécanique, l'identification des
règles tactiques, des règles de lutte ».
Cette
indication est particulièrement vraie quand il s'agit de la
lutte contre un ennemi qui exploite avec autant de raffinement,
autant de jésuitisme les sentiments et les préjugés
nationaux des masses ainsi que leurs inclinations anticapitalistes
dans l'intérêt du grand Capital.
Un tel ennemi, il
faut le connaître exactement et sous toutes ses faces.
Nous
devons, sans le moindre retard, réagir contre ses manoeuvres
variées, déceler ses subterfuges, être prêts
à riposter sur n'importe quel terrain et à n'importe
quel moment.
Il ne faut avoir aucun scrupule à apprendre
même de l'ennemi, si cela nous aide à lui tordre
le cou plus vite et plus sûrement.
Ce
serait une erreur grossière que d'établir un schéma
général du développement du fascisme applicable
à tous les pays et à tous les peuples.
Un tel schéma
ne nous serait d'aucun secours, il nous empêcherait au
contraire de mener la lutte véritable.
C'est ainsi qu'on en
arrive au surplus, à rejeter sans distinction dans le camp du
fascisme des couches de la population qui, à condition qu'on
les aborde de façon judicieuse, peuvent être, à
un certain stade de développement, engagées dans la
lutte contre le fascisme, ou tout au moins neutralisées.
Prenons,
par exemple, le développement du fascisme en France et en
Allemagne.
Certains communistes estiment qu'en France le fascisme ne
peut en général se développer aussi facilement
qu'en Allemagne.
Qu'y a-t-il dans cette affirmation d'exact et qu'y
a-t-il d'erroné ?
Il est exact que les traditions
démocratiques n'étaient pas, en Allemagne, aussi
profondément enracinées qu'elles le sont en France,
dans ce pays qui, aux XVIIIe et XIXe siècles,
est passé par plusieurs révolutions.
Il est exact que
la France est un pays qui a gagné la guerre et imposé
le système de Versailles à d'autres pays; qu'en France
il n'existe pas dans les masses ce sentiment national blessé
qui a joué un rôle si important en Allemagne.
Il est
exact que les masses fondamentales de la paysannerie en France sont
animées d'un état d'esprit républicain,
antifasciste, surtout dans le Midi, à la différence de
l'Allemagne où, dès avant l'arrivée du fascisme
au pouvoir, une partie considérable de la paysannerie se
trouvait sous l'influence des partis réactionnaires.
Mais,
en dépit des différences qui existent dans le
développement du mouvement fasciste en France et en Allemagne,
en dépit des facteurs qui mettent des entraves à
l'offensive du fascisme en France, ce serait faire preuve de myopie
que de ne pas voir la croissance ininterrompue, dans ce pays, du
danger fasciste et de sous-estimer la possibilité d'un coup
d'Etat fasciste.
Il existe en France de nombreux facteurs qui,
d'autre part, favorisent le développement du fascisme.
N'oubliez pas que la crise économique commencée en
France plus tard que dans les autres pays capitalistes, continue à
s'approfondir et à s'aggraver, et cela facilite singulièrement
le déchaînement de la démagogie fasciste.
Le
fascisme français possède dans l'armée, parmi
les officiers, de solides positions telles que les
nationaux-socialistes n'en possédaient pas dans la Reichswehr
avant leur arrivée au pouvoir.
En outre, il n'y a peut-être
pas de pays où la corruption du régime parlementaire
ait pris des proportions aussi monstrueuses, et où elle ait
provoqué une indignation des masses aussi grande qu'en France.
C'est là-dessus, comme on sait, que les fascistes français
spéculent démagogiquement dans leur lutte contre la
démocratie bourgeoise.
N'oubliez pas non plus que la crainte
aiguë de la bourgeoisie française de perdre son hégémonie
politique et militaire en Europe favorise également le
développement du fascisme.
Il
s'ensuit que les succès du mouvement antifasciste en France,
dont Thorez et Cachin nous ont parlé ici et dont nous nous
réjouissons de tout notre coeur, ne sauraient encore être
envisagés, loin de là, comme une preuve que les masses
travailleuses ont réussi à barrer définitivement
la route au fascisme.
Il faut, une fois de plus, souligner avec
insistance toute l'importance des tâches de la classe ouvrière
française dans la lutte contre le fascisme, tâches que
j'ai déjà indiquées dans mon rapport.
Il
est dangereux également de se faire des illusions sur la
faiblesse du fascisme dans d'autres pays où il ne dispose pas
d'une large base de masse.
Nous en avons des exemples tels ceux de la
Bulgarie, de la Yougoslavie, de la Finlande, où le fascisme,
tout en manquant de base large, n'en est pas moins arrivé au
pouvoir en s'appuyant sur les forces armées de l'Etat, et où
il a cherché ensuite à élargir sa base en se
servant de l'appareil d'Etat.
Dutt
avait raison d'affirmer qu'il existait dans nos rangs une tendance à
considérer le fascisme « en général »,
sans tenir compte des particularités concrètes des
mouvements fascistes dans les différents pays et en taxant à
tort de fascisme toutes les mesures réactionnaires de la
bourgeoisie, ou même en qualifiant tout le camp non communiste
de camp fasciste.
Loin de renforcer la lutte contre le fascisme, tout
cela l'a, au contraire, affaiblie.
Or,
il subsiste encore maintenant des vestiges de l'attitude schématique
à l'égard du fascisme.
N'est-ce pas une manifestation
de cette attitude schématique que l'affirmation de certains
communistes assurant que l' « ère nouvelle » de
Roosevelt représente une forme encore plus nette, plus aiguë
de l'évolution de la bourgeoisie vers le fascisme que, par
exemple, le « gouvernement national » d'Angleterre ?
Il
faut être aveuglé par une dose considérable de
schématisme pour ne pas voir que ce sont justement les cercles
les plus réactionnaires du Capital financier américain
en train d'attaquer Roosevelt, qui représentent, avant tout,
la force qui stimule et organise le mouvement fasciste aux
Etats-Unis.
Ne pas voir le fascisme réel prendre naissance aux
Etats-Unis sous les phrases hypocrites de ces cercles en faveur de la
« défense des droits démocratiques des citoyens
américains », c'est désorienter la classe
ouvrière dans la lutte contre son pire ennemi.
Dans
les pays coloniaux et semi-coloniaux se développent également,
comme on l'a signalé dans la discussion, certains groupes
fascistes, mais, évidemment, il ne peut y être question
du même genre de fascisme que nous connaissons en Allemagne, en
Italie et dans les autres pays capitalistes. Là, il faut
étudier et peser les conditions économiques, politiques
et historiques tout à fait particulières, qui font et
feront prendre au fascisme des formes spéciales.
Certains
communistes qui ne savent pas envisager concrètement les
phénomènes de la réalité vivante et qui
souffrent de paresse d'esprit, remplacent l'étude minutieuse
et approfondie de la situation concrète et du rapport
des forces de classe par des formules générales
qui ne disent rien.
Ils rappellent non point les tireurs d'élite
qui frappent en plein but, mais ces « habiles »
tireurs qui frappent systématiquement et infailliblement à
côté du but et dont les coups portent tantôt
plus haut, tantôt plus bas que le but, tantôt plus loin
tantôt plus près de la cible.
Eh bien ! nous, nous
voulons, en tant que militants communistes du mouvement ouvrier, en
tant qu'avant-garde révolutionnaire de la classe ouvrière,
être de vrais tireurs d'élite qui sans manquer un seul
coup frappent en plein but.
FRONT
UNIQUE PROLÉTARIEN, FRONT POPULAIRE ANTIFASCISTE
Certains
communistes se creusent vainement la tête pour savoir par quoi
commencer : par le front unique du prolétariat ou par le
front populaire antifasciste ?
Les
uns disent : on ne pourra pas entreprendre l'établissement du
Front populaire antifasciste avant d'avoir organisé un solide
front unique du prolétariat.
Mais,
raisonnent les autres, comme l'établissement du front unique
prolétarien se heurte dans nombre de pays à la
résistance de la partie réactionnaire de la
social-démocratie, mieux vaut commencer du coup par le Front
populaire et, sur cette base seulement, déployer ensuite le
front unique de la classe ouvrière.
Les
uns et les autres, évidemment, ne comprennent pas que le front
unique du prolétariat et le Front populaire antifasciste sont
liés l'un à l'autre par la dialectique vivante de la
lutte, qu'ils s'interpénètrent, se transforment
l'un en l'autre au cours de la lutte pratique contre le fascisme, au
lieu d'être séparés l'un de l'autre par une
muraille de Chine.
Car,
on ne saurait croire sérieusement qu'on puisse vraiment
réaliser le Front populaire antifasciste sans établir
l'unité d'action de la classe ouvrière elle-même,
qui est la force dirigeante de ce Front populaire. Et, d'autre
part, le développement ultérieur du front unique
prolétarien dépend dans une mesure notable de sa
transformation en un Front populaire contre le fascisme.
Imaginez-vous
l'amateur de schémas qui, placé devant notre
résolution, construit son schéma avec le zèle
d'un véritable exégète :
D'abord
le front unique du prolétariat par en bas, à l'échelle
locale ;
Puis
le front unique par en bas, à l'échelle régionale
;
Ensuite
le front unique par en haut, passant par les mêmes degrés
;
Après
cela, l'unité du mouvement syndical ;
Ensuite,
le ralliement des autres partis antifascistes ;
Puis
le Front populaire déployé par en haut et par en bas ;
Après
quoi, il conviendra d'élever le mouvement à un degré
supérieur, de le politiser, de le révolutionnariser,
etc., et ainsi de suite. Vous direz que c'est un pur non-sens.
Je
suis d'accord avec vous. Mais c'est précisément le
malheur qu'un tel non-sens sectaire, sous une forme ou sous une
autre, se rencontre encore, à notre vif regret, dans nos
rangs.
Comment
donc la question se pose-t-elle en réalité ?
Evidemment, nous devons partout travailler à créer un
vaste Front populaire général de lutte contre le
fascisme.
Mais, dans un grand nombre de pays, nous ne sortirons pas
des conversations générales sur le Front populaire, si
nous ne savons pas, par la mobilisation des masses ouvrières,
briser la résistance de la partie réactionnaire de la
social-démocratie au front unique de lutte du prolétariat.
C'est ainsi que la question se pose avant tout en Angleterre, où
la classe ouvrière forme la majorité de la population,
où les trade-unions anglaises et le Parti travailliste ont
derrière eux la masse essentielle de la classe ouvrière.
C'est ainsi que la question se pose en Belgique, dans les pays
Scandinaves, où, face à des Partis communistes
numériquement faibles, se dressent de puissants syndicats de
masse et des Partis social-démocrates numériquement
forts.
Les
communistes commettraient dans ces pays une faute politique très
grave s'ils se dérobaient à la lutte pour
l'établissement du Front unique prolétarien derrière
des formules générales sur le Front populaire, lequel
ne peut être établi sans la participation des
organisations de masse de la classe ouvrière.
Pour réaliser
dans ces pays un véritable Front populaire, les communistes
doivent accomplir un immense travail politique et d'organisation dans
les masses ouvrières.
Ils doivent surmonter les préjugés
de ces masses, qui considèrent leurs organisations réformistes
de masse comme l'incarnation déjà réalisée
de l'unité prolétarienne ; ils doivent convaincre ces
masses que l'établissement du front unique avec les
communistes signifie leur passage sur les positions de la lutte des
classes, et que, seul, ce passage garantit le succès de la
lutte contre l'offensive du Capital et le fascisme.
Ce n'est pas en
nous proposant dans ces pays des tâches plus vastes que nous
surmonterons les difficultés que nous rencontrons.
C'est, au
contraire, en luttant pour faire disparaître ces difficultés
que nous préparerons non en paroles, mais en fait, la
formation d'un véritable Front populaire de lutte contre le
fascisme, contre l'offensive du Capital, contre la menace de guerre
impérialiste.
La
question se pose autrement dans des pays tels que la Pologne, où,
à côté du mouvement ouvrier, se développe
un puissant mouvement paysan, où les masses paysannes ont
leurs propres organisations qui se radicalisent sous l'influence de
la crise agraire, où l'oppression nationale suscite
l'indignation parmi les minorités nationales. Là, le
développement du Front populaire de lutte se fera
parallèlement au développement du front unique
prolétarien et, parfois, dans ce type du pays, le mouvement du
Front populaire peut même devancer le mouvement du front
ouvrier.
Prenez
un pays tel que l'Espagne, qui traverse un processus de révolution
démocratique bourgeoise.
Peut-on dire ici que la dispersion du
prolétariat, au point de vue de l'organisation, exige
l'établissement de la complète unité de lutte de
la classe ouvrière avant la formation d'un front ouvrier et
paysan contre Lerroux et Gil Robles ?
En posant ainsi la question,
nous isolerions le prolétariat de la paysannerie, nous
abandonnerions en fait le mot d'ordre de la révolution
agraire, nous faciliterions aux ennemis du peuple la possibilité
de diviser le prolétariat et la paysannerie et d'opposer la
paysannerie à la classe ouvrière.
Comme on le sait, ce
fut là une des causes principales de la défaite de la
classe ouvrière asturienne lors des batailles d'octobre 1934.
Toutefois,
il y a un point à ne pas oublier : dans tous les pays où
le prolétariat est relativement peu nombreux, où la
paysannerie et les couches petites-bourgeoises de la ville
prédominent, dans ces pays il importe encore plus de déployer
tous les efforts pour établir un solide front unique de la
classe ouvrière elle-même, afin que celle-ci puisse
occuper sa place de facteur dirigeant par rapport à tous les
travailleurs.
Ainsi, par rapport à la solution du problème
du front prolétarien et du Front populaire, on ne peut fournir
des recettes universelles pour tous les cas de la vie, pour tous les
pays et pour tous les peuples.
L'universalisme dans ces choses-là,
l'application des seules et mêmes recettes à tous les
pays, équivaudrait, permettez-moi de vous le dire, à
l'ignorance. Or, l'ignorance, nous devons la frapper même et
surtout lorsqu'elle se manifeste sous l'enveloppe de schémas
universels.
LE
ROLE DE LA SOCIAL-DÉMOCRATIE ET SON ATTITUDE A L'ÉGARD
DU FRONT UNIQUE DU PROLÉTARIAT
Du
point de vue de nos tâches tactiques, il importe beaucoup de
donner une réponse juste à la question de savoir s'il
est vrai que, et où il est vrai que la social-démocratie
reste dans le moment présent, le principal soutien de la
bourgeoisie.
Certains
délégués qui sont intervenus dans les débats
(Florin, Dutt), ont effleuré cette question, mais, vu son
importance, il est nécessaire d'y faire une réponse
plus complète.
C'est une question que posent et que ne peuvent
manquer de poser les ouvriers de toutes tendances, et surtout les
ouvriers social-démocrates.
Il faut tenir compte que, dans
beaucoup de pays, la situation de la social-démocratie dans
l'Etat bourgeois ainsi que l'attitude de la social-démocratie
à l'égard de la bourgeoisie se sont modifiées ou
se modifient.
Premièrement,
la crise a ébranlé à fond même la
situation des couches les plus assurées de la classe ouvrière,
de ce qu'on appelle l'aristocratie ouvrière, sur qui, comme on
le sait, la social-démocratie s'appuie principalement.
Et ces
couches se mettent de plus en plus à réviser leurs
anciennes opinions sur l'utilité de la politique de
collaboration de classe avec la bourgeoisie.
Deuxièmement,
dans un certain nombre de pays, comme je l'ai indiqué dans mon
rapport, la bourgeoisie elle-même est contrainte de renoncer à
la démocratie bourgeoise et de recourir à la forme
terroriste de sa dictature, en privant la social-démocratie
non seulement de son ancienne position dans le système
étatique du Capital financier, mais même de son
existence légale dans certaines conditions déterminées,
en la soumettant aux persécutions, voire en l'écrasant
complètement.
Troisièmement,
sous l'influence, d'une part, des enseignements de la défaite
des ouvriers d'Allemagne, d'Autriche et d'Espagne [Allusion aux
batailles des Asturies en 1934], défaite qui a été
surtout le résultat de la politique social-démocrate de
collaboration de classe avec la bourgeoisie et, d'autre part, sous
l'influence de la victoire du socialisme dans l'Union soviétique,
qui est due à la politique bolchevik et à l'application
du marxisme révolutionnaire - les ouvriers social-démocrates
prennent un état d'esprit révolutionnaire, commencent à
opérer un tournant vers la lutte de classe contre la
bourgeoisie.
L'ensemble
de ces causes rend plus difficile et, dans certains pays, tout à
fait impossible pour la social-démocratie la continuation de
son ancien rôle de soutien de la bourgeoisie.
L'incompréhension
de ce fait est particulièrement nuisible dans les pays où
la dictature fasciste a ravi à la social-démocratie sa
légalité.
De ce point de vue, les délégués
allemands qui, dans leurs discours, ont marqué la nécessité
de cesser de se cramponner à la lettre de formules et de
décisions surannées concernant la social-démocratie
et de cesser de méconnaître les changements intervenus
dans sa situation, avaient raison dans leur autocritique.
Il est
clair qu'une telle méconnaissance conduit à la
déformation de notre ligne orientée vers
l'établissement de l'unité de la classe ouvrière,
et facilite aux éléments réactionnaires de la
social-démocratie leur sabotage du front unique.
Mais
le processus de poussée révolutionnaire au sein des
Partis social-démocrates qui s'opère maintenant dans
tous les pays, se développe d'une façon inégale.
On ne saurait se représenter les choses de telle sorte que les
ouvriers social-démocrates en train d'acquérir un état
d'esprit révolutionnaire, passeront d'un seul coup et
en masse sur les positions de la lutte des classes conséquente
et, sans aucune étape intermédiaire, s'uniront
directement avec les communistes.
Ce sera dans beaucoup de
pays un processus plus ou moins difficile, plus ou moins compliqué
et long, qui, en tout cas, dépendra essentiellement de la
justesse de notre politique et de notre tactique.
Nous devons compter
même avec la possibilité que certains partis et
certaines organisations social-démocrates, en passant des
positions de collaboration de classe avec la bourgeoisie sur les
positions de lutte de classe contre la bourgeoisie, continuent à
subsister encore un certain temps comme organisations et partis
indépendants.
En pareil cas, évidemment, il ne saurait
être question de considérer de tels partis ou
organisations social-démocrates comme un soutien de la
bourgeoisie.
On
ne saurait espérer que les ouvriers social-démocrates
qui se trouvent sous l'influence de l'idéologie de
collaboration de classe avec la bourgeoisie, idéologie qui
leur est inculquée depuis des dizaines d'années,
aillent renoncer d'eux-mêmes à cette idéologie
sous l'action des seules causes objectives.
Non. C'est à nous,
communistes, de les aider à s'affranchir de la domination de
l'idéologie réformiste.
L'explication des principes et
du programme du communisme doit être poursuivie patiemment, en
toute camaraderie, et en tenant compte du niveau de développement
politique de chaque ouvrier social-démocrate. Nôtre
critique du social-démocratisme doit devenir plus concrète
et plus systématique.
Elle doit se baser sur l'expérience
des masses social-démocrates elles-mêmes.
Il ne faut pas
perdre de vue que c'est avant tout sur la base de l'expérience
de la lutte commune, menée coude à coude avec les
communistes contre l'ennemi de classe, que l'on peut et que l'on doit
faciliter et accélérer le développement
révolutionnaire des ouvriers social-démocrates.
Il
n'est pas de moyen plus efficace de vaincre les hésitations et
les doutes des ouvriers social-démocrates que la participation
au front unique prolétarien.
Nous
ferons tout ce qui dépend de nous pour faciliter le travail
commun avec nous et la lutte commune contre l'ennemi de classe non
seulement aux ouvriers social-démocrates, mais aussi à
ceux des militants des partis et organisations social-démocrates
qui désirent sincèrement passer sur la position de
classe révolutionnaire.
Mais nous le déclarons en même
temps : ceux des leaders socialistes, des simples militants et des
ouvriers, qui continuent à soutenir le rôle
scissionniste des chefs réactionnaires de la social-démocratie
et à s'élever contre le front unique, aidant ainsi
directement ou indirectement l'ennemi de classe, prennent par là-même
devant la classe ouvrière une responsabilité non
moindre que la responsabilité historique de ceux qui ont
soutenu la politique social-démocrate de collaboration de
classe, politique qui, dans une série de pays européens,
a causé la perte de la révolution de 1918 et frayé
la route au fascisme.
C'est
la question de l'attitude à l'égard du front unique qui
sert de ligne de démarcation entre la partie réactionnaire
de la social-démocratie et ses couches en train de prendre un
état d'esprit révolutionnaire.
Notre aide en faveur de
ces couches-là, sera d'autant plus efficace que notre lutte
sera plus forte contre le camp réactionnaire de la
social-démocratie, coalisé avec la bourgeoisie.
Et, à
l'intérieur du camp de gauche de la social-démocratie,
on verra ses différents éléments se définir
eux-mêmes d'autant plus vite que les communistes lutteront plus
résolument pour le front unique avec les partis
social-démocrates. La pratique de la lutte des classes et la
participation des social-démocrates au mouvement de front
unique feront voir qui, dans ce camp, se déclare « pour
la gauche » en paroles, et qui est effectivement de la
gauche.
A
PROPOS DU GOUVERNEMENT DE FRONT UNIQUE
Ainsi,
l'attitude de la social-démocratie à l'égard de
la réalisation pratique du front unique du prolétariat
est, en général, dans chaque pays, l'indice principal
permettant de voir si l'ancien rôle du parti social-démocrate
ou de certains de ses détachements dans l'Etat bourgeois s'est
modifié et dans quelle mesure il s'est modifié ; mais
on aura aussi un indice particulièrement clair dans l'attitude
de la social-démocratie sur la question du gouvernement de
front unique.
Dans
la situation où la question de former un gouvernement de front
unique figurera à l'ordre du jour comme tâche pratique
immédiate, c'est cette question qui deviendra décisive,
qui servira de pierre de touche pour la politique de la
social-démocratie du pays donné : ou bien avec la
bourgeoisie en voie de fascisation contre la classe ouvrière,
ou bien avec le prolétariat révolutionnaire contre le
fascisme et la réaction, non en paroles, mais en actes ; c'est
ainsi que sera posée la question inéluctable au moment
de la formation du gouvernement de front unique, comme aussi pendant
le temps où le pouvoir sera exercé par ce gouvernement.
Quant au caractère et aux conditions de la formation d'un
gouvernement de front unique ou de Front populaire antifasciste, il
me semble que, dans mon rapport, j'ai déjà dit ce qui
est nécessaire pour l'orientation tactique générale.
Vouloir que nous fixions par surcroît tous les modes possibles
et toutes les conditions de formation d'un tel gouvernement, c'est se
livrer à des conjectures stériles.
Je
voudrais vous mettre en garde contre toute simplification et tout
schématisme dans cette question.
La vie est plus compliquée
que tous les schémas.
Il est faux, par exemple, de présenter
les choses comme si le gouvernement de front unique était
une étape indispensable sur la voie de l'instauration de
la dictature du prolétariat.
C'est aussi faux qu'il était
faux autrefois de présenter les choses comme si dans les pays
fascistes, il n'y avait aucune étape intermédiaire,
la dictature fasciste étant obligatoirement et
directement remplacée par la dictature du prolétariat.
Le
fond de la question se réduit à savoir si le
prolétariat lui-même se trouvera prêt, au moment
décisif, à renverser immédiatement la
bourgeoisie et à instaurer son pouvoir, avec la possibilité
dans ce cas de s'assurer le soutien de ses alliés, ou bien si
c'est le mouvement de front unique qui se trouvera simplement en
mesure, à l'étape donnée, d'écraser ou de
renverser le fascisme, sans passer immédiatement à la
liquidation de la dictature de la bourgeoisie.
Dans le dernier cas,
renoncer à créer et à soutenir le gouvernement
de front unique ou de Front populaire pour cette seule raison, serait
un exemple inadmissible de myopie politique et non pas une politique
révolutionnaire sérieuse.
Il
n'est pas difficile non plus de comprendre que la formation d'un
gouvernement de front unique dans les pays où le fascisme
n'est pas encore au pouvoir, c'est autre chose que dans les
pays à dictature fasciste.
Dans ces pays-ci, la formation d'un
tel gouvernement n'est possible qu'au cours du processus de
renversement du pouvoir fasciste.
Dans les pays où se
développe la révolution démocratique
bourgeoise, un gouvernement de Front populaire pourrait devenir
le gouvernement de la dictature démocratique de la classe
ouvrière et de la paysannerie.
Comme
je l'ai déjà indiqué dans mon rapport, les
communistes soutiendront, par tous les moyens, le gouvernement de
front unique, dans la mesure où celui-ci combattra réellement
les ennemis du peuple et laissera leur liberté d'action au
Parti communiste et à la classe ouvrière.
Quant au
problème de la participation des communistes au gouvernement,
il dépend exclusivement de la situation concrète.
Les
questions de ce genre seront résolues dans chaque cas
particulier. Ici, on ne saurait donner d'avance aucune recette toute
faite.
DE
L'ATTITUDE A L'ÉGARD DE LA DÉMOCRATIE BOURGEOISE
Il
a été dit ici qu'au sein du Parti polonais qui mobilise
les masses contre les attaques dont les droits des travailleurs sont
l'objet de la part du fascisme, « il existait cependant la
crainte de formuler positivement des revendications démocratiques,
pour ne pas créer d'illusions démocratiques parmi les
masses ». Cette crainte de formuler positivement des
revendications démocratiques n'existe pas seulement, sous une
forme ou l'autre, dans le Parti polonais.
D'où
vient cette crainte ?
De la façon erronée, non
dialectique, de poser la question de l'attitude à l'égard
de la démocratie bourgeoise. Nous, communistes, nous sommes
les partisans irréductibles de la démocratie soviétique
dont la dictature prolétarienne a donné un grand
exemple dans l'Union soviétique, jusqu'ici, - au moment même
où dans les pays capitalistes on liquide les derniers restes
de démocratie bourgeoise, - par décision du VIIe
congrès des Soviets, on proclame l'introduction du scrutin
égal, direct et secret.
Cette démocratie soviétique
suppose la victoire de la révolution prolétarienne, la
transformation de la propriété privée des moyens
de production en propriété sociale, le passage de la
majorité écrasante du peuple sur la voie du socialisme.
Cette démocratie ne constitue point une forme achevée ;
elle se développe et continuera à se développer
au fur et à mesure des succès ultérieurs de
l'édification socialiste, de la création de la société
sans classes et de la disparition des survivances du capitalisme dans
l'économie et dans la conscience des hommes.
Mais,
aujourd'hui, le problème pour les millions de travailleurs qui
vivent dans les conditions du capitalisme, c'est de déterminer
leur attitude à l'égard des formes que la
domination de la bourgeoisie revêt dans les différents
pays.
Nous ne sommes pas des anarchistes, et nous ne sommes pas le
moins du monde indifférents à la question de savoir
quel régime politique existe dans tel pays donné : la
dictature bourgeoise sous la forme de la démocratie
bourgeoise, fût-ce avec les droits et les libertés
démocratiques les plus réduits, ou bien la dictature
bourgeoise sous sa forme fasciste déclarée.
Partisans
de la démocratie soviétique, nous défendrons
chaque pouce des conquêtes démocratiques qui ont été
arrachées par la classe ouvrière au cours de longues
années de lutte opiniâtre, et nous lutterons résolument
pour leur extension.
Que
de sacrifices a dû consentir la classe ouvrière
d'Angleterre avant de conquérir le droit de grève,
l'existence légale de ses trade-unions, la liberté de
réunion, la liberté de la presse, l'extension du droit
de suffrage, etc. !
Combien de dizaines de milliers d'ouvriers ont
donné leur vie dans les combats révolutionnaires livrés
en France au XIXe siècle pour conquérir les
droits élémentaires et les possibilités légales
d'organiser leurs forces pour la lutte contre les exploiteurs !
Le
prolétariat de tous les pays a versé beaucoup de sang
pour conquérir les libertés démocratiques
bourgeoises, et l'on conçoit qu'il veuille lutter de toutes
ses forces pour les conserver.
Notre attitude envers la démocratie
bourgeoise n'est pas la même dans toutes les conditions. Ainsi,
pendant la Révolution d'Octobre, les bolcheviks russes
menaient un combat à mort contre tous les partis politiques
qui, sous le drapeau de la défense de la démocratie
bourgeoise, se dressaient contre l'instauration de la dictature du
prolétariat.
Les bolcheviks combattaient ces partis parce que
le drapeau de la démocratie bourgeoise était devenu
alors le drapeau sous lequel toutes les forces contre-révolutionaires
se mobilisaient pour la lutte contre la victoire du prolétariat.
La situation des pays capitalistes est aujourd'hui tout autre.
Aujourd'hui c'est la contre-révolution fasciste qui attaque la
démocratie bourgeoise, dans son effort pour soumettre les
travailleurs au régime d'exploitation et d'écrasement
le plus barbare.
Aujourd'hui,
dans une série de pays capitalistes, les masses travailleuses
ont à choisir concrètement, pour l'instant
présent, non entre la dictature du prolétariat et la
démocratie bourgeoise, mais entre la démocratie
bourgeoise et le fascisme.
En
outre, la situation actuelle diffère de celle qui existait,
par exemple, à l'époque de la stabilisation du
capitalisme.
Il n'y avait pas alors de danger fasciste aussi accentué
qu'au moment présent.
Alors, les ouvriers révolutionnaires,
dans une série de pays, avaient devant eux la dictature
bourgeoise sous la forme de la démocratie bourgeoise, et
c'était contre elle qu'ils concentraient principalement leur
feu. En Allemagne, ils combattaient la République de Weimar
non en tant que République, mais parce que c'était une
République bourgeoise qui avait réprimé
le mouvement révolutionnaire du prolétariat,
particulièrement dans les années 1918-1920 et en 1923.
Mais
les communistes pouvaient-ils demeurer sur cette position même
au moment où le mouvement fasciste commençait à
lever la tête, où, par exemple en Allemagne, en 1932,
les fascistes organisaient et armaient leurs troupes d'assaut par
centaines de milliers d'hommes contre la classe ouvrière ?
Evidemment, non.
La faute des communistes dans une série de
pays, et, notamment, en Allemagne, fut que, méconnaissant les
changements survenus, ils continuaient à répéter
les anciens mots d'ordre et à rester sur les positions
tactiques qui avaient été justes plusieurs années
plus tôt, surtout au moment où la lutte pour la
dictature du prolétariat portait un caractère
d'actualité et où, sous le drapeau de la République
de Weimar, s'était groupée toute la contre-révolution
allemande, comme ce fut le cas en 1918-1920.
Et
le fait que nous sommes obligés, aujourd'hui encore, de
constater dans nos rangs la crainte de formuler des revendications
démocratiques positives, prouve tout simplement combien les
communistes sont encore loin de s'être assimilé la
méthode marxiste-léniniste quand ils abordent des
questions aussi importantes de notre tactique.
D'aucuns disent que la
lutte pour les droits démocratiques peut détourner les
ouvriers de la lutte pour la dictature du prolétariat.
Il ne
sera pas inutile de rappeler ce que Lénine disait à ce
sujet :
Ce
serait une erreur radicale de croire que la lutte pour la démocratie
est susceptible de détourner le prolétariat de la
révolution socialiste, ou de la masquer, de la voiler, etc.
Au
contraire, de même que le socialisme victorieux est impossible
sans réaliser la démocratie complète, de même
le prolétariat ne peut se préparer à vaincre la
bourgeoisie sans mener une lutte détaillée, conséquente
et révolutionnaire pour la démocratie. (Lénine :
Œuvres complètes, 4e éd. russe, t.
XXII, p. 133-184.)
Ces
paroles, tous les communistes doivent se les graver fortement dans la
mémoire, en tenant compte que c'est de petits mouvements pour
la défense des droits élémentaires de la classe
ouvrière que sont sorties, au cours de l'histoire, de grandes
révolutions.
Mais ce qu'il faut avant tout pour savoir
rattacher la lutte en faveur des droits démocratiques à
la lutte de la classe ouvrière pour le socialisme, c'est
renoncer à la manière schématique d'aborder la
question de la défense de la démocratie bourgeoise.
AVOIR
UNE LIGNE JUSTE N'EST PAS ENCORE SUFFISANT
L'élaboration
d'une ligne juste est, cela va de soi, l'essentiel pour
l'Internationale communiste et chacune de ses sections. Mais la ligne
juste à elle seule ne suffit pas encore pour diriger
concrètement la lutte de classe.
Pour cela, il est nécessaire
de remplir un certain nombre de conditions et, avant tout, les
conditions suivantes :
La
première condition, c'est d'assurer par les mesures
d'organisation l'application des résolutions adoptées
dans tout le travail pratique, et de surmonter résolument tous
les obstacles dressés sur cette voie.
Ce que Staline a dit au
XVIIe congrès du P.C. de l'U.R.S.S. sur les
conditions requises pour appliquer la ligne du Parti, peut et doit se
rapporter aussi, entièrement et sans réserve, aux
décisions adoptées par notre congrès :
D'aucuns
pensent qu'il suffit d'élaborer une ligne juste du Parti, de
la proclamer hautement, de l'exposer sous forme de thèses
générales et de résolutions, et de l'adopter à
l'unanimité pour que la victoire vienne d'elle-même,
pour ainsi dire spontanément.
C'est faux évidemment.
C'est une grande erreur.
Seuls des bureaucrates et des paperassiers
incorrigibles peuvent penser ainsi...
...
De bonnes résolutions, des déclarations en faveur de la
ligne générale du Parti, ce n'est qu'un début :
elles ne signifient que le désir de vaincre et non la victoire
elle-même.
Après qu'une ligne juste, une juste solution
du problème a été donnée, le succès
dépend du travail d'organisation, de l'organisation de la
lutte pour l'application pratique de la ligne du Parti, du choix
judicieux des hommes, du contrôle de l'exécution des
décisions adoptées par les organismes dirigeants. Sans
cela, la ligne juste du Parti et les justes décisions risquent
d'être sérieusement compromises.
Bien plus : la ligne
politique juste une fois donnée, c'est le travail
d'organisation qui décide de tout, y compris du sort de la
ligne politique elle-même, de sa réalisation ou de son
échec. (J. Staline : « Deux Mondes », rapport au
XVIIe congrès du Parti communiste (bolchevik) de
l'U.R.S.S., ou les Questions du léninisme, t. II, p.
184, Editions sociales, Paris, 1947.)
Il
n'est guère nécessaire d'ajouter quoi que ce soit à
ces remarquables paroles de Staline, qui doivent devenir le principe
directeur dans tout le travail de nos Partis.
Une
autre condition, c'est de savoir, faire des décisions de
l'Internationale communiste et de ses sections les décisions
des grandes masses elles-mêmes.
Et c'est encore plus
nécessaire maintenant que nous sommes devant la tâche de
créer le front unique du prolétariat et d'entraîner
les plus grandes masses populaires dans le Front populaire
antifasciste.
Là où le génie politique et
tactique de Lénine et de Staline apparaît
avec le plus d'évidence et d'éclat, c'est dans leur
maîtrise à amener les masses, par leur propre
expérience, à la compréhension de la ligne juste
et des mots d'ordre du Parti.
Si l'on suit toute l'histoire du
bolchévisme, ce trésor incomparable de la stratégie
et de la tactique politiques du mouvement ouvrier révolutionnaire,
on peut se convaincre que les bolcheviks n'ont jamais substitué
aux méthodes de direction des masses les méthodes de
direction du Parti.
Staline
a indiqué comme une des particularités de la tactique
des bolcheviks russes, dans la période de préparation
d'Octobre, le fait qu'ils ont su déterminer de façon
juste les voies et tournants qui amènent naturellement les
masses aux mots d'ordre du Parti, jusqu'au « seuil de la
révolution », en les aidant à saisir, à
vérifier, à discerner par leur propre expérience
la justesse de ces mots d'ordre ; qu'ils n'ont pas confondu la
direction du Parti avec la direction des masses et voyaient nettement
la différence entre la direction du premier genre et la
direction du second genre ; et qu'ils ont élaboré ainsi
la tactique non pas seulement comme la science de la direction du
Parti, mais aussi comme celle de la direction des millions de
travailleurs.
Ensuite,
il faut tenir compte du fait que l'assimilation de nos décisions
par les grandes masses est impossible si nous n'apprenons pas à
parler une langue intelligible aux masses.
Nous ne savons pas
toujours, loin de là, parler simplement, concrètement,
en nous servant des images familières et compréhensibles
aux masses. Nous ne savons pas encore renoncer aux formules
abstraites et apprises par coeur.
Regardez de plus près nos
tracts, nos journaux, nos résolutions et nos thèses et
vous verrez qu'ils sont souvent rédigés en un langage
tellement lourd que même nos militants ont de la peine à
les comprendre et, à plus forte raison, les simples ouvriers.
Si
l'on songe que les ouvriers qui diffusent et lisent ces tracts,
surtout dans les pays fascistes, risquent leur vie, on se rend mieux
compte encore de la nécessité d'écrire pour les
masses en une langue qui leur soit compréhensible, pour
qu'ainsi les sacrifices consentis ne le soient pas en pure perte.
Cette
remarque ne s'applique pas à un moindre degré à
notre agitation et à notre propagande orales. A cet égard,
il faut reconnaître en toute sincérité que les
fascistes sont souvent plus habiles et plus souples que beaucoup de
nos camarades.
Je
me souviens, par exemple, d'une réunion de chômeurs
tenue à Berlin avant l'arrivée de Hitler au pouvoir.
C'était pendant le procès des fameux accapareurs et
spéculateurs, les frères Sklarek, procès qui
durait depuis plusieurs mois.
L'orateur national-socialiste qui parla
à cette réunion, utilisa ce procès pour ses buts
démagogiques.
Il cita les spéculations, les affaires de
corruption et les autres crimes commis par les frères Sklarek
; il souligna que le procès intenté contre eux traînait
depuis des mois ; il calcula combien de centaines de milliers de
marks ce procès avait déjà coûté au
peuple allemand et, aux vifs applaudissements des assistants, il
déclara qu'il fallait, sans tarder, fusiller des bandits comme
les Sklarek et verser au profit des chômeurs l'argent dépensé
pour le procès.
Un
communiste se lève et demande la parole. Le président
refuse d'abord ; mais, sous la pression des assistants qui voulaient
entendre le communiste, celui-ci obtient enfin la parole.
Lorsque le
communiste monta à la tribune, tous les assistants dressèrent
l'oreille dans l'attente de ce qu'il allait dire.
Eh bien, que dit-il
:
Camarades,
déclare-t-il d'une voix ferme et puissante, l'assemblée
plénière de l'Internationale communiste vient de
terminer ses travaux.
Elle a indiqué la voie du salut pour la
classe ouvrière. La tâche essentielle qu'elle pose
devant vous, c'est, camarades, la « conquête de la
majorité de la classe ouvrière ». L'assemblée
plénière a indiqué qu'il est nécessaire
de « politiser » le mouvement des chômeurs.
L'assemblée plénière vous invite à élever
ce mouvement à un degré supérieur.
Et
l'orateur continua à parler dans le même sens, convaincu
apparemment qu'il « expliquait » les décisions
authentiques de l'assemblée plénière.
Un
tel discours pouvait-il émouvoir les chômeurs ?
Pouvaient-ils être satisfaits qu'on s'apprêtât
d'abord à les politiser, puis à les révolutionnariser
et ensuite à les mobiliser pour élever leur mouvement à
un degré supérieur ?
Assis
dans un coin, j'observais avec amertume comment les chômeurs
présents, qui avaient tant voulu entendre le communiste pour
apprendre de lui ce qu'il leur fallait faire concrètement, se
mettaient à bâiller et à manifester une déception
bien claire.
Et je ne fus pas du tout étonné qu'à
la fin, le président retirât brutalement la parole à
notre orateur sans aucune protestation dans les rangs de
l'assemblée...
Malheureusement,
le cas n'est pas isolé dans notre agitation.
Des cas pareils,
on en a vu ailleurs qu'en Allemagne.
Faire une telle agitation, c'est
faire de l'agitation contre soi-même.
Il est temps d'en finir
une fois pour toutes avec ces méthodes d'agitation enfantines,
passez-moi le mot, pour ne pas employer d'expression plus forte.
Pendant
mon rapport, le président de séance, Kuusinen, a reçu
de la salle du congrès une lettre bien caractéristique
qui m'était adressée.
Je vais vous en donner lecture :
Dans
votre intervention au congrès, je vous prie de toucher une
question, à savoir : qu'à l'avenir toutes les
résolutions et décisions de l'Internationale communiste
soient écrites de telle sorte que non seulement les
communistes instruits puissent s'y retrouver, mais que n'importe quel
travailleur sans aucune préparation puisse, du premier coup,
en lisant les documents de l'Internationale communiste, comprendre ce
que veulent les communistes et de quelle utilité le communisme
est pour l'humanité. C'est ce qu'oublient certains dirigeants
du Parti.
Il faut le leur rappeler, et cela très fortement. De
même que l'agitation en faveur du communisme soit faite en un
langage compréhensible.
Qui
est l'auteur de cette lettre, je ne le sais pas exactement. Mais je
ne doute pas que ce communiste ait exprimé dans sa lettre
l'opinion et le désir de millions d'ouvriers.
Beaucoup de nos
camarades pensent que plus ils emploient de mots ronflants, de
formules et de thèses incompréhensibles aux masses,
meilleures sont leur agitation et leur propagande, en oubliant que
précisément les plus grands chefs et théoriciens
de la classe ouvrière de notre époque, - Lénine
et Staline, - ont toujours parlé et écrit dans
une langue tout à fait compréhensible aux grandes
masses.
Chacun
de nous doit fermement s'assimiler comme une loi, comme une loi
bolchevik, cette règle élémentaire :
Lorsque
tu écris ou que tu parles, il faut toujours songer à
l'ouvrier du rang qui doit te comprendre, ajouter foi à ton
appel et être prêt à te suivre.
Il faut songer à
celui pour qui tu écris, à celui à qui tu
parles.
DES
CADRES
Nos
décisions les meilleures resteront lettre morte si l'on manque
d'hommes qui sachent les mettre en oeuvre.
Or, force m'est de
constater malheureusement qu'une des questions essentielles, la
question des cadres est passée dans notre congrès
sans attirer presque aucune attention.
Le
rapport sur l'activité du Comité exécutif de
l'Internationale communiste a été discuté
pendant sept jours ; quantité d'orateurs de différents
pays ont pris la parole, et seuls quelques isolés ont touché,
en passant, à cette question extrêmement importante pour
nos Partis communistes et le mouvement ouvrier.
Dans leur pratique,
nos Partis n'ont pas encore pris conscience, loin de là, que
ce sont les hommes, les cadres qui décident de tout. Ils
ne savent pas, selon l'enseignement de Staline, élever
les cadres « comme un jardinier soigne son arbre fruitier
préféré », « apprécier les
hommes, apprécier les cadres, apprécier chaque
travailleur capable d'être utile à notre cause commune
».
L'attitude
de dédain pour le problème des cadres est d'autant plus
inadmissible que, dans la lutte, nous perdons sans cesse une partie
de nos cadres les plus précieux.
Car nous ne sommes pas une
société scientifique, mais un mouvement combatif qui se
trouve constamment sous la ligne de feu.
Chez nous, ce sont les
éléments les plus énergiques, les plus courageux
et les plus conscients qui se trouvent aux premiers rangs.
C'est
précisément à ces éléments, à
ces combattants avancés que l'ennemi fait la chasse, il les
assassine, il les jette en prison, dans les camps de concentration ;
il leur fait subir les pires supplices, surtout dans les pays
fascistes. De là résulte la nécessité
particulièrement aiguë de compléter, d'élever,
d'éduquer de façon permanente de nouveaux cadres, comme
de conserver soigneusement les cadres existants.
Le
problème des cadres prend encore une acuité
particulière parce que c'est sous notre influence que se
déploie un vaste mouvement de front unique, qui forme des
milliers et des milliers de nouveaux militants prolétariens.
En outre, dans les rangs de nos Partis n'affluent pas seulement de
jeunes éléments révolutionnaires et des ouvriers
à l'esprit de plus en plus révolutionnaire, mais qui
jusqu'ici n'ont jamais participé au mouvement politique : bien
souvent, d'anciens adhérents et militants des partis
social-démocrates viennent aussi nous rejoindre.
Ces nouveaux
cadres demandent une attention spéciale, surtout dans les
Partis illégaux, d'autant plus que ces cadres, faiblement
préparés au point de vue théorique, se trouvent
déjà fréquemment placés dans leur travail
pratique devant les problèmes politiques les plus sérieux,
qu'ils ont à résoudre par eux-mêmes.
La
question d'une juste politique des cadres est pour nos Partis,
de même que pour les Jeunesses communistes et toutes les
organisations de masse, pour l'ensemble du mouvement ouvrier
révolutionnaire, le problème le plus actuel.
En
quoi consiste une juste politique des cadres ?
Premièrement,
il est nécessaire de connaître les hommes. En
règle générale, on ne procède pas dans
nos Partis à l'étude systématique des cadres.
C'est depuis quelque temps seulement que les Partis communistes de
France et de Pologne et, en Extrême-Orient, le Parti communiste
de Chine ont obtenu certains succès dans ce sens. En son
temps, avant d'être dans l'illégalité, le Parti
communiste allemand avait, lui aussi, abordé l'étude de
ses cadres.
Et l'expérience de ces Partis a montré que,
dès qu'on a commencé à étudier les
hommes, on s'est mis à découvrir des militants qu'on
n'avait pas remarqués auparavant; d'autre part, les Partis ont
commencé à s'épurer des éléments
qui leur étaient étrangers, nuisibles au point de vue
idéologique et politique.
Il suffit de rappeler l'exemple de
Celor et Barbé en France qui, quand on les eut examinés
au microscope bolchevik, s'avérèrent des agents de
l'ennemi de classe et furent chassés du Parti.
En Pologne et
en Hongrie, la vérification des cadres a facilité le
repérage de nids de provocateurs, d'agents de l'ennemi
soigneusement masqués.
Deuxièmement,
il est nécessaire de procéder à l'avancement
des cadres de façon judicieuse.
Cet avancement ne doit pas
être le fait du hasard, mais il faut en faire une des fonctions
normales du Parti.
Les choses vont mal si l'avancement se fait
exclusivement pour des considérations strictement intérieures
au Parti, sans se rendre compte si le communiste promu est lié
aux masses. On doit opérer l'avancement à la fois sur
la base du recensement des militants avec leur aptitude à
telle ou telle fonction dans le Parti, et sur la base de la
popularité dont les cadres promus jouissent dans les masses.
Nous avons dans nos Partis des exemples d'avancement qui ont donné
d'excellents résultats.
Au présidium de notre congrès,
par exemple, figure une communiste espagnole, Dolorès.
Il y a
deux ans, elle travaillait encore à la base.
Dès les
premiers conflits avec l'ennemi de classe, elle s'est révélée
excellent agitateur et combattant.
Elue par la suite à la
direction du Parti, elle s'est montrée un des membres les plus
dignes de ce choix.
Je
pourrais citer un certain nombre de cas analogues dans d'autres pays
également.
Cependant,
dans la plupart des cas, la promotion se fait d'une façon
inorganisée, accidentelle et, par conséquent, pas
toujours heureuse.
Il arrive qu'on confie des postes dirigeants à
des raisonneurs, des phraseurs, des bavards qui nuisent directement à
la cause.
Troisièmement,
il est nécessaire d'utiliser judicieusement les cadres. Il
faut savoir trouver et utiliser les qualités précieuses
de chaque militant.
Il n'est point d'hommes parfaits : il faut les
prendre tels qu'ils sont, corriger leurs faiblesses et leurs défauts.
Nous connaissons dans nos Partis des exemples criants d'utilisation
erronée de bons, d'honnêtes communistes qui pourraient
être d'une grande utilité, s'ils étaient chargés
d'un travail qui leur convienne mieux.
Quatrièmement,
il est nécessaire de répartir judicieusement les
cadres. Il faut, avant tout, qu'aux échelons essentiels du
mouvement soient placés des hommes fermes, liés aux
masses, sortis de leur sein, pleins d'initiative et sûrs ; il
faut que dans les plus grands centres il y ait un nombre suffisant de
tels militants. Dans les pays capitalistes, le déplacement des
cadres d'un point à l'autre n'est pas chose facile.
Cette
tâche s'y heurte à toutes sortes d'obstacles et de
difficultés, entre autres, aux questions d'ordre matériel,
familial, etc., difficultés dont il faut tenir compte et venir
à bout grâce à la solution appropriée, ce
qui, chez nous, d'ordinaire, ne se fait pas du tout.
Cinquièmement,
il est nécessaire d'accorder aux cadres une aide
systématique. Cette aide doit consister dans des
instructions scrupuleuses, dans un contrôle fraternel, dans la
correction des imperfections et des fautes, dans une direction
concrète des cadres jour par jour.
Sixièmement,
il est nécessaire de veiller à la
conservation des cadres. Il faut savoir, en temps opportun,
ramener les cadres à l'arrière, les remplacer par de
nouveaux si les circonstances l'exigent.
Nous devons exiger, surtout
dans les Partis illégaux, la plus grande responsabilité
de la direction pour la conservation des cadres.
La juste
conservation des cadres suppose aussi l'organisation la plus sérieuse
du travail conspiratif dans le Parti.
Dans certains de nos Partis,
nombreux sont les communistes qui pensent que les Partis sont
préparés à l'illégalité du seul
fait qu'ils se sont réorganisés d'après un
schéma purement formel.
Nous avons dû payer cher le fait
de n'avoir commencé la réorganisation effective
qu'après le passage à l'illégalité, sous
les coups pénibles assénés directement par
l'ennemi.
Rappelez-vous à quel prix nous est revenu le passage
à l'illégalité du Parti communiste d'Allemagne !
Cet exemple doit être un sérieux avertissement pour ceux
de nos Partis qui, aujourd'hui encore, sont légaux, mais qui
demain peuvent perdre leur légalité.
Seule,
une juste politique des cadres permettra à nos Partis de
déployer et d'utiliser au maximum les forces des cadres
existants et de puiser les éléments actifs les
meilleurs dans l'immense réservoir du mouvement de masse, où
ils se renouvellent constamment.
Quel critère essentiel
doit nous inspirer dans le choix des cadres.
Premièrement
: le dévouement le plus profond à la cause de la
classe ouvrière, la fidélité au Parti
vérifiée dans les batailles, dans les prisons,
devant les tribunaux, face à face avec l'ennemi de classe.
Deuxièmement
: la liaison la plus étroite avec les masses :
vivre dans l'intérêt des masses, sentir le pouls des
masses, leur état d'esprit et leurs aspirations.
L'autorité
des dirigeants de nos organisations du Parti doit être avant
tout fondée sur le fait que la masse voit en eux ses chefs,
qu'elle se convainc par sa propre expérience de leurs
aptitudes de chef, de leur résolution et de leur esprit
d'abnégation dans la lutte.
Troisièmement
: la capacité de s'orienter par soi-même dans
toutes les situations et de ne pas craindre de prendre la
responsabilité de ses décisions. Qui craint de
prendre des responsabilités, n'est pas un chef.
Qui ne sait
pas faire preuve d'initiative, qui sait seulement raisonner ainsi : «
Je ne ferai que ce qu'on me dira », n'est pas un bolchevik.
Celui-là seul est un véritable chef bolchevik, qui ne
perd pas la tête dans le moment de la défaite, qui ne
devient pas présomptueux au moment du succès, qui fait
preuve d'une fermeté inébranlable dans l'application
des décisions.
C'est quand ils sont placés devant la
nécessité de résoudre par eux-mêmes les
tâches concrètes de la lutte et qu'ils en sentent peser
sur eux toute la responsabilité que les cadres se développent
et grandissent le mieux.
Quatrièmement
: l'esprit de discipline et la trempe bolchevik aussi
bien dans la lutte contre l'ennemi de classe que dans
l'intransigeance à l'égard de toutes les déviations
de la ligne du bolchévisme.
Nous
devons souligner la nécessité de ces conditions d'un
choix judicieux des cadres avec d'autant plus de force que, dans la
pratique, on accorde très souvent la préférence
à un communiste qui, par exemple, sait écrire de façon
littéraire, parle bien, mais n'est pas un homme d'action et ne
convient pas pour la lutte, sur un autre camarade qui, peut-être,
ne sait pas aussi bien écrire et parler, mais est un camarade
ferme, ayant de l'initiative, lié aux masses, capables de
marcher au combat et de conduire les autres à la lutte.
Sont-ils rares, les cas où un sectaire, un doctrinaire, un
raisonneur évince un dirigeant de masse dévoué,
un vrai chef ouvrier ?
Nos
cadres dirigeants doivent allier la connaissance de ce qu'ils
ont à faire à la fermeté bolchevik, au
caractère révolutionnaire ainsi qu'à la
volonté nécessaire pour convertir tout cela en
actes.
A
propos du problème des cadres, permettez-moi de m'arrêter
aussi sur le rôle immense qu'est appelé à jouer
le Secours rouge international à l'égard des cadres du
mouvement ouvrier.
L'aide matérielle et morale que les
organisations du S.R.I., accordent aux détenus et à
leurs familles, aux émigrés politiques et aux
révolutionnaires et antifascistes persécutés, a
sauvé la vie, conservé les forces et la combativité,
de milliers et de milliers de lutteurs précieux de la classe
ouvrière dans les différents pays.
Ceux d'entre nous
qui ont été en prison, ont éprouvé
directement par eux-mêmes la grande importance de l'activité
du S.R.I.
Par
son activité, le Secours rouge international s'est acquis
l'affection, l'attachement et la profonde gratitude de centaines de
milliers de prolétaires et d'éléments
révolutionnaires paysans et intellectuels.
Dans
les conditions présentes, en présence de la réaction
bourgeoise grandissante, du fascisme déchaîné et
de l'aggravation de la lutte de classe, le rôle du Secours
rouge international grandit considérablement.
Au Secours rouge
international se pose maintenant la tâche de se transformer en
une véritable organisation de masse des travailleurs dans tous
les pays capitalistes (en particulier dans les pays fascistes, en
s'adaptant aux conditions spéciales de ces pays).
Il doit
devenir, pour ainsi dire, une sorte de « Croix-Rouge » du
front unique du prolétariat et du Front populaire
antifasciste, englobant des millions de travailleurs - une «
Croix-Rouge » de l'armée des classes laborieuses, en
lutte contre le fascisme, pour la paix et le socialisme.
Pour que le
Secours rouge international puisse remplir avec succès ce rôle
qui lui incombe, il lui faut créer son propre corps de
militants fort de milliers d'hommes, ses propres cadres nombreux, les
cadres du Secours rouge international répondant par
leur caractère et leurs aptitudes à la mission
spéciale de cette organisation entre toutes importante.
Ici
encore, il faut le dire de façon la plus tranchée et la
plus catégorique : si le bureaucratisme, l'attitude
sans coeur à l'égard des hommes sont répugnants
dans le mouvement ouvrier en général, dans le domaine
de l'activité du Secours rouge international c'est un mal qui
touche au crime. Les combattants de la classe ouvrière,
les victimes de la réaction et du fascisme languissant dans
les cachots et les camps de concentration, les émigrés
politiques et leurs familles doivent faire l'objet de l'attention la
plus délicate et de la plus grande sollicitude de la part des
organisations et des militants du Secours rouge international.
Le
Secours rouge international doit encore mieux comprendre et mieux
accomplir son devoir dans l'organisation de l'aide aux combattants du
mouvement prolétarien et antifasciste, et notamment, en ce qui
touche la conservation physique et morale des cadres du mouvement
ouvrier. Les communistes et les ouvriers révolutionnaires
participant à l'organisation du Secours rouge international
doivent sentir à chaque pas la responsabilité énorme
qui leur incombe devant la classe ouvrière et devant
l'Internationale communiste, pour la bonne exécution du rôle
et des tâches du S.R.I.
Comme
on le sait, l'éducation des cadres la meilleure, s'acquiert
dans le cours de la lutte, dans les efforts faits pour
surmonter les difficultés et les épreuves, de même
que dans les exemples positifs et négatifs.
Nous avons
des centaines de cas de conduite exemplaire pendant les grèves
et les manifestations, dans les prisons, au cours des procès.
Nous avons des milliers de héros, mais, malheureusement, nous
enregistrons aussi pas mal d'exemples de pusillanimité, de
manque de fermeté et même de désertion.
Or, on
oublie souvent les exemples de l'un et de l'autre genre, on ne les
fait pas servir à des fins éducatives, on ne montre pas
ce qu'il faut imiter, ce qu'il faut rejeter.
Il faut
étudier la conduite des communistes et des militants ouvriers
pendant les conflits de classe, lors des interrogatoires de police,
dans les prisons et les camps de concentration, devant les tribunaux,
etc.
De tout cela, il faut tirer ce qu'il, y a de positif; il faut
montrer les exemples à imiter et rejeter ce qu'il y a de
pourri, de non bolchevik, ce qu'il y a de petit-bourgeois.
Depuis le
procès de Leipzig, nous avons un nombre considérable de
déclarations de communistes devant les tribunaux bourgeois et
fascistes qui montrent comment des cadres nombreux grandissent chez
nous avec une magnifique compréhension de ce que signifie
l'attitude bolchevik devant le tribunal.
Mais
sont-ils nombreux, même parmi vous, délégués
du congrès, ceux qui connaissent en détail le procès
des cheminots de Roumanie, le procès de Fiete Schultz décapité
par les fascistes en Allemagne, le procès de notre courageux
camarade japonais Itakava, le procès des soldats
révolutionnaires bulgares, et nombre d'autres procès où
se sont manifestés les plus dignes exemples d'héroïsme
prolétarien ?
Ces dignes exemples d'héroïsme
prolétarien, il faut les populariser et les opposer à
la pusillanimité, à l'esprit petit-bourgeois, à
la pourriture et à la faiblesse de tout genre qui se
manifestent dans nos rangs et dans ceux de la classe ouvrière.
Il est nécessaire d'utiliser ces exemples de la façon
la plus complète pour éduquer les cadres du mouvement
ouvrier.
Chez
nous, les dirigeants de Partis se plaignent souvent qu'ils manquent
d'hommes, ils n'en ont guère pour l'agitation propagande,
guère pour le journal, guère pour les syndicats, guère
pour le travail à mener parmi les jeunes, parmi les femmes.
Il
en manque partout et toujours, il n'y a point d'hommes. A cela, nous
pourrions répondre par ces paroles de Lénine, vieilles
et éternellement nouvelles :
Point
d'hommes, et des hommes en quantité. Des hommes en
quantité parce que la classe ouvrière et des couches
de plus en plus variées de la société
fournissent chaque année un nombre toujours plus grand de
mécontents, prêts à protester...
Et, en même
temps, il n'y a point d'hommes parce qu'il n'y a pas de... talents
capables d'organiser un travail à la fois vaste et condensé,
harmonieux, permettant d'utiliser toutes les forces, même les
plus insignifiantes. (Lénine : Que faire ? p. 128-129,
Editions sociales, 1947.)
Ces
paroles de Lénine, nos Partis doivent s'en imprégner
profondément et les appliquer comme une directive quotidienne.
Il y a beaucoup d'hommes, il s'agit seulement de les découvrir
dans nos propres organisations, pendant les grèves et les
manifestations, dans les diverses organisations ouvrières de
masse, dans les organismes du front unique, il faut les aider à
grandir dans le déroulement du travail et de la lutte; il faut
les placer dans une situation telle qu'ils puissent réellement
se rendre utiles à la cause ouvrière.
Nous
autres, communistes, sommes des hommes d'action.
Nous sommes placés
devant la tâche de lutter pratiquement contre l'offensive du
Capital, contre le fascisme et la menace de guerre impérialiste,
de lutter pour le renversement du capitalisme.
C'est précisément
cette tâche pratique qui impose aux cadres communistes
la nécessité de s'armer de la théorie
révolutionnaire. Car, ainsi que Staline nous l'enseigne, -
ce maître suprême de l'oeuvre révolutionnaire, -
la théorie donne aux praticiens la force d'orientation, la
clarté de perspective, l'assurance dans le travail, la foi
dans la victoire de notre cause.
Mais
la théorie vraiment révolutionnaire est l'ennemi
intransigeant de toute vaine manie de théoriser, de tout jeu
stérile avec les définitions abstraites. « Notre
théorie n'est pas un dogme, mais un guide pour l'action »,
a dit maintes fois Lénine. C'est cette théorie-là
qui est nécessaire à nos cadres, nécessaire
comme le pain quotidien, comme l'air, comme l'eau.
Qui
veut réellement chasser de notre travail le schématisme
mortel, la scolastique pernicieuse, celui-là doit les détruire
au fer rouge, - tant par une lutte pratique efficace, menée
en commun avec les masses et à la tête des masses, que
par un travail inlassable en vue de s'assimiler la vigoureuse,
la féconde, la toute-puissante doctrine de
Marx-Engels-Lénine-Staline.
A
ce propos, je tiens à attirer particulièrement votre
attention sur le travail de nos écoles du Parti. Ce ne
sont pas des exégètes, des raisonneurs et des maîtres
de la citation que nos écoles doivent former.
Non ! Ce sont
des combattants pratiques d'avant-garde de la cause de la classe
ouvrière qui doivent sortir de leurs murs.
Des combattants
d'avant-garde non seulement par leur courage, leur empressement à
se sacrifier, mais aussi parce qu'ils voient plus loin et connaissent
mieux que les ouvriers du rang, le chemin de l'affranchissement des
travailleurs.
Toutes les sections de l'Internationale communiste
doivent, sans traîner les choses en longueur, s'occuper
sérieusement de l'organisation des écoles du Parti,
pour en faire autant de forges de ces cadres de combattants.
Il
me semble que la tâche essentielle de nos écoles du
Parti consiste à enseigner aux membres du Parti et aux jeunes
communistes qui en suivent les cours, comment appliquer la méthode
marxiste-léniniste à la situation concrète du
pays donné, aux conditions données, à la lutte
non contre l'ennemi « en général », mais
contre l'ennemi concret.
Pour cela, il est nécessaire
d'étudier non pas la lettre du léninisme, mais son
esprit vivant, révolutionnaire.
Il
y a deux façons de préparer les cadres dans nos écoles
du Parti.
La
première : on prépare les gens d'une façon
théorique abstraite. On s'efforce de leur donner la plus
grande somme possible de connaissances arides ; on les entraîne
à écrire de façon littéraire thèses
et résolutions, et l'on ne touche qu'en passant aux problèmes
du pays donné, de son mouvement ouvrier, de son histoire, de
ses traditions et de l'expérience du Parti communiste de leur
pays. On ne fait cela qu'en passant.
La
seconde : un cours théorique où l'assimilation des
principes essentiels du marxisme-léninisme est basée
sur l'étude pratique, par l'élève, des questions
fondamentales de la lutte du prolétariat dans son propre pays,
de telle sorte que, revenu au travail pratique, il puisse s'orienter
tout seul, devenir un organisateur pratique indépendant, un
dirigeant capable de mener les masses à la bataille contre
l'ennemi de classe.
Ceux
qui sont sortis de nos écoles du Parti n'ont pas tous fait
preuve de capacité.
Beaucoup de phrases, d'abstractions, de
connaissances livresques, de science apparente. Or, nous avons besoin
de vrais organisateurs et de vrais dirigeants des masses, vraiment
bolcheviks.
Voilà ce qu'il nous faut aujourd'hui à tout
prix. Peu importe que tel étudiant ne soit peut-être pas
en mesure de rédiger de bonnes thèses, bien que cela
aussi nous soit très nécessaire, mais il faut qu'il
sache organiser et diriger sans reculer devant les difficultés,
il faut qu'il sache surmonter ces difficultés.
La
théorie révolutionnaire donne l'expérience
totalisée, généralisée du mouvement
révolutionnaire ; les communistes doivent soigneusement
utiliser dans leur pays respectif non seulement l'expérience
du passé, mais aussi celle de la lutte présente des
autres détachements du mouvement ouvrier international.
Toutefois, l'utilisation rationnelle de l'expérience ne
signifie nullement la transposition automatique, et telle
quelle des formes et méthodes de lutte, de telles conditions
dans telles autres, d'un pays dans l'autre, comme cela arrive souvent
dans nos Partis. La pure imitation, la simple copie des méthodes
et des formes de travail, même de celles du Parti communiste de
l'U.R.S.S., dans les pays où domine encore le capitalisme,
peut, en dépit de toutes les bonnes intentions, être non
pas utile, mais nuisible, comme cela s'est vu assez fréquemment
dans la réalité.
C'est précisément par
l'exemple des bolcheviks russes que nous devons apprendre à
appliquer de façon vivante et concrète, aux
particularités de chaque pays la ligne internationale
unique dans la lutte contre le Capital, que nous devons apprendre
à chasser sans pitié, à stigmatiser, à
ridiculiser devant les masses populaires les phrases, les
clichés, le pédantisme et le
doctrinarisme.
Il
faut apprendre, apprendre, constamment, à chaque pas, dans le
déroulement de la lutte, en liberté et en prison.
Apprendre et lutter, lutter et apprendre.
Il faut savoir allier la
grande doctrine de Marx-Engels-Lénine-Staline à la
fermeté staliniste dans le travail et la lutte, à
l'intransigeance de principe staliniste à l'égard
de l'ennemi de classe et de ceux qui renient la ligne du bolchévisme,
à l'intrépidité staliniste en face des
difficultés, un réalisme révolutionnaire
staliniste.
Jamais,
pour aucun congrès international de communistes, l'opinion
publique mondiale n'a manifesté un intérêt aussi
vif que celui que nous voyons se manifester aujourd'hui à
l'égard de notre congrès.
On peut dire sans exagération
qu'il n'est pas un seul journal important, pas un seul parti
politique, pas un seul homme politique et public de quelque
importance qui ne suive avec une attention soutenue la marche du
congrès.
Les
regards de millions d'hommes, ouvriers, paysans, petites gens des
villes, employés et intellectuels, peuples coloniaux et
nationalités opprimées, sont tournés vers
Moscou, vers la grande capitale du premier, mais non du
dernier Etat du prolétariat international. Dans ce
fait, nous voyons la confirmation de l'importance et de l'actualité
énormes des questions étudiées par le congrès
et de ses décisions.
Les
hurlements rageurs des fascistes de tous les pays, en particulier du
fascisme allemand en démence, ne font que confirmer le fait
que, par nos décisions, nous avons réellement frappé
en plein but.
Dans
la nuit noire de la réaction bourgeoise et du fascisme où
l'ennemi de classe s'efforce de maintenir les masses travailleuses
des pays capitalistes, l'Internationale communiste, Parti mondial des
bolcheviks, se dresse comme un phare qui montre à l'humanité
tout entière la seule voie sûre pour s'affranchir du
joug du Capital, de la barbarie fasciste et des horreurs de la guerre
impérialiste.
L'établissement
de l'unité d'action de la classe ouvrière est une étape
décisive dans cette voie. Oui, unité d'action
des organisations de la classe ouvrière de toutes tendances,
rassemblement des forces de la classe ouvrière dans tous les
domaines de son activité et dans tous les secteurs de la lutte
de classe !
La
classe ouvrière doit parvenir à l'unité de
ses syndicats. C'est en vain que certains dirigeants syndicaux
réformistes cherchent à effrayer les ouvriers en
agitant le spectre de la destruction de la démocratie
syndicale par suite de l'immixtion du Parti communiste dans les
affaires des syndicats unifiés, par suite de l'existence de
fractions communistes à l'intérieur des syndicats. Nous
représenter, nous communistes, comme adversaires de la
démocratie syndicale, c'est une pure sottise.
Nous défendons
et revendiquons de façon conséquente le droit pour les
syndicats de régler leurs affaires eux-mêmes. Nous
sommes prêts même à renoncer à la création
de fractions communistes dans les syndicats, si cela est nécessaire
dans l'intérêt de l'unité syndicale.
Nous sommes
prêts à nous entendre sur l'indépendance des
syndicats unifiés à l'égard de tous les partis
politiques. Mais nous sommes résolument contre toute
dépendance des syndicats à l'égard de la
bourgeoisie, et nous ne renonçons pas à notre point de
vue de principe sur le caractère inadmissible qui s'attache
pour les syndicats à la neutralité en face de la lutte
de classe entre le prolétariat et la bourgeoisie.
La
classe ouvrière doit travailler à réaliser
l'union de toutes les forces de la jeunesse ouvrière et de
toutes les organisations de la jeunesse antifasciste, et conquérir
la partie de la jeunesse travailleuse tombée sous l'influence
néfaste du fascisme et des autres ennemis du peuple.
La
classe ouvrière doit imposer et elle imposera l'unité
d'action dans tous les domaines du mouvement ouvrier. Et cela se fera
d'autant plus vite que nous, communistes, et les ouvriers
révolutionnaires de tous les pays capitalistes, nous
appliquerons en fait, de la façon la plus résolue et la
plus ferme, la nouvelle orientation tactique adoptée par le
congrès pour les principaux problèmes d'actualité
du mouvement ouvrier international.
Nous
savons que bien des difficultés se dressent sur notre chemin.
Notre chemin n'est pas une route asphaltée, notre chemin n'est
pas semé de rosés. Non, la classe ouvrière aura
à surmonter bien des obstacles, des obstacles même dans
son propre milieu : elle aura avant tout à rendre absolument
inoffensives les menées scissionnistes des éléments
réactionnaires de la social-démocratie.
Dans ses rangs,
de nombreuses victimes sont appelées à tomber sous les
coups de la réaction bourgeoise et du fascisme.
Son navire
révolutionnaire devra se diriger parmi de nombreux écueils,
avant d'atteindre la rive du salut.
Mais
la classe ouvrière des pays capitalistes n'est plus
aujourd'hui ce qu'elle était en 1914, au début de la
guerre impérialiste, et elle n'est plus ce qu'elle était
en 1918, à la fin de la guerre.
La classe ouvrière a
derrière elle la riche expérience de vingt années
de lutte et d'épreuves révolutionnaires, les leçons
amères de défaites nombreuses, en particulier en
Allemagne, en Autriche et en Espagne.
La
classe ouvrière a devant elle l'exemple exaltant de l'Union
soviétique, pays du socialisme victorieux, exemple de la façon
dont on peut vaincre l'ennemi de classe, instaurer son propre pouvoir
et édifier la société socialiste.
La
bourgeoisie ne domine déjà plus sans partage dans
le monde entier. Un sixième du globe est gouverné par
la classe ouvrière victorieuse. Les Soviets règnent
sur une énorme partie du territoire du grand pays de Chine.
La
classe ouvrière a une avant-garde révolutionnaire
forte, compacte, l'Internationale communiste. Elle a un chef éprouvé
et reconnu, grand et sage, Staline.
Tout
le cours du développement historique travaille en faveur de la
classe ouvrière. C'est en vain que les réactionnaires,
les fascistes de tout poil, la bourgeoisie mondiale tout entière
s'efforcent de faire revenir en arrière la roue de l'histoire.
Non, cette roue tourne et tournera jusqu'à l'avènement
de l'Union mondiale des Républiques socialistes soviétiques,
jusqu'à la victoire définitive du socialisme dans le
monde entier.
Une
seule chose manque encore à la classe ouvrière des pays
capitalistes : c'est l'unité de ses propres rangs.
Puisse
donc de cette tribune retentir avec d'autant plus de force dans le
monde entier l'appel de combat de l'Internationale communiste,
l'appel de Marx et d'Engels, de Lénine et de Staline :
Prolétaires
de tous les pays, unissez-vous !
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