Mao Zedong

Interventions aux causeries sur la littérature et l'art


III


Ayant établi que notre littérature et notre art doivent servir la grande masse du peuple, nous pouvons maintenant passer à un problème concernant les relations à l'intérieur du Parti, celui des relations entre le travail du Parti dans le domaine de la littérature et de l'art et l'ensemble de son travail, ainsi qu'à un problème concernant les relations extérieures du Parti, celui des relations entre le travail du Parti dans le domaine de la littérature et de l'art et le travail des non communistes dans le même domaine, c'est-à-dire au problème du front uni des écrivains et des artistes.

Commençons par le premier problème.

Dans le monde d'aujourd'hui, toute culture, toute littérature et tout art appartiennent à une classe déterminée et relèvent d'une ligne politique définie. Il n'existe pas, dans la réalité, d'art pour l'art, d'art au-dessus des classes, ni d'art qui se développe en dehors de la politique ou indépendamment d'elle.

La littérature et l'art prolétarien font partie de l'ensemble de la cause révolutionnaire du prolétariat ; ils sont, comme disait Lénine, " une petite roue et une petite vis " du mécanisme général de la révolution " (9).

Aussi le travail littéraire et artistique occupe-t-il dans l'ensemble de l'activité révolutionnaire du Parti une position fixée et bien définie ; il est subordonné à la tâche révolutionnaire assignée par le Parti pour une période donnée de la révolution.

Rejeter cela, c'est glisser inévitablement vers le dualisme ou le pluralisme, ce qui en substance aboutirait à ce que voulait Trotski : " une politique marxiste et un art bourgeois ".

Nous ne sommes pas d'accord avec ceux qui donnent à la littérature et à l'art une importance tellement exagérée qu'elle devient une erreur, mais nous ne sommes pas d'accord, non plus, avec ceux qui sous-estiment leur importance.

La littérature et l'art sont subordonnés à la politique, mais ils exercent, à leur tour, une grande influence sur elle. La littérature et l'art révolutionnaire font partie de l'ensemble de la cause de la révolution, dont ils constituent une petite roue et une petite vis.

Certes, au point de vue de la portée, de l'urgence et de l'ordre de priorité, ils le cèdent à d'autres parties encore plus importantes, mais ils n'en sont pas moins une petite roue, une petite vis du mécanisme général, une partie indispensable à l'ensemble de la cause de la révolution. La révolution ne peut progresser et triompher sans la littérature et sans l'art, fussent-ils parmi les plus simples, parmi les plus élémentaires.

Ne pas voir cela serait une erreur. D'autre part, lorsque nous parlons de la subordination de la littérature et de l'art à la politique, il s'agit d'une politique de classe, d'une politique de masse, et non de ce qu'on appelle la politique d'un petit nombre d'hommes politiques. Qu'elle soit révolutionnaire ou contre-révolutionnaire, la politique est toujours la lutte d'une classe contre une autre, et non l'action d'un petit nombre d'individus.

La lutte révolutionnaire sur les fronts de l'idéologie et de l'art doit être subordonnée à la lutte politique, car les besoins des classes et des masses ne peuvent trouver leur expression concentrée que par l'intermédiaire de la politique.

Les hommes politiques révolutionnaires, les spécialistes de la politique qui possèdent la science ou l'art de la politique révolutionnaire ne sont en réalité que les guides de ces millions et millions d'autres hommes politiques que sont les masses et dont ils ont pour tâche de rassembler et de cristalliser les idées, afin de les retourner ensuite aux masses pour que celles-ci s'en saisissent et les mettent en pratique ; il ne sont donc point de ces " hommes politiques " du type aristocratique qui, enfermés dans leur cabinet, échafaudent de vains projets, se prennent pour de grands esprits et se font leur propre publicité : " Ici, la seule maison sérieuse.

Ne pas confondre avec les autres ! " C'est en cela que consiste la différence de principe entre les hommes politiques du prolétariat et les politiciens de la bourgeoisie décadente.

Et c'est précisément pour cela que l'unité peut être totale entre le caractère politique de notre littérature et de notre art et leur vérité. Ce serait une faute que de méconnaître ce point et de déprécier la politique prolétarienne et les hommes politiques du prolétariat.
Passons maintenant au problème du front uni dans la littérature et l'art.

Etant donné que la littérature et l'art sont subordonnés à la politique et que la question première, fondamentale, de la politique chinoise d'aujourd'hui est la résistance au Japon, les camarades du Parti qui travaillent dans le domaine de la littérature et de l'art ont en premier lieu le devoir de s'unir, sur cette base, avec tous les écrivains et artistes non communistes (depuis les sympathisants du Parti et les écrivains et artistes de la petite bourgeoisie jusqu'aux écrivains et artistes de la bourgeoisie et de la classe des propriétaires fonciers qui sont pour la résistance au Japon).

En second lieu, nous devons nous unir avec eux sur la base de la démocratie ; mais, sur ce point, une partie des écrivains et artistes qui sont pour la résistance au Japon ne sont pas d'accord avec nous, le cadre de cette union sera donc inévitablement un peu plus restreint.

En troisième lieu, enfin, nous devons rechercher l'unité avec eux sur les questions qui intéressent spécialement les milieux littéraires et artistiques : les questions de méthode et de style.

Nous sommes pour le réalisme socialiste ; or, là encore, une partie des écrivains et artistes ne sont pas d'accord avec nous, c'est pourquoi le cadre de cette union sera encore plus restreint. Il y aura donc unité sur telle question, lutte et critique à propos de telle autre.

Bien qu'il s'agisse d'autant de questions particulières, elles sont liées entre elles, et c'est pourquoi, même dans celles qui favorisent l'union - comme, par exemple, la question de la résistance au Japon - il y a encore lutte et critique. Au sein d'un front uni, l'union sans la lutte ou la lutte sans l'union, comme dans le capitulationnisme et le suivisme de droite ou l'exclusivisme et le sectarisme " de gauche " pratiqués autrefois par certains camarades, sont des lignes politiques également erronées.

Ce qui est vrai en politique l'est aussi en littérature et en art.
Parmi les différentes forces qui, en Chine, forment le front uni en littérature et en art, les écrivains et les artistes petits-bourgeois occupent une place importante.

Leur pensée comme leurs œuvres présentent bien des défauts, mais dans une certaine mesure ils se tournent vers la révolution, se rapprochent du peuple travailleur. C'est donc une tâche particulièrement importante que de les aider à surmonter leurs défauts, de les rallier au front qui sert le peuple travailleur.